Actualité de Janáček

Un enseignant, chef de chœur, chef d’orchestre à ses heures, collecteur de musique populaire, compositeur à ses rares moments de liberté, œuvrant pendant plus de quarante ans dans une ville perdue dans l’obscure Moravie, Brno, cet homme portant un nom, Janáček, que nous écorchons par méconnaissance de la langue tchèque, ce compositeur dont on savait qu’il écrivit plusieurs opéras idiomatiques, mais que nos scènes nationales boudèrent longtemps à tel point que même son opus le plus célèbre, Jenůfa, dut attendre près de soixante ans pour être révélé au public français, à Strasbourg, ce musicien voit depuis plusieurs années son génie enfin reconnu.

Si, en France l’an dernier, nous avons plutôt raté le cent-cinquantième anniversaire de sa naissance et le centième anniversaire de la création de sa Jenůfa, contrairement à nos voisins anglais qui au cours du mois de juillet passé lui ont consacré sur les ondes de la BBC une journée complète, il semble que nous essayons de nous rattraper.

En effet, coup sur coup, deux livres éclairent la trajectoire du compositeur et les caractéristiques de sa musique lui reconnaissant une place de premier plan, non seulement dans les pays tchèques, mais également en tant que représentant éminent de la musique moderne européenne dans les années 20. Sous le même titre "Leoš Janáček", chez Bleu Nuit Editeur  et chez Actes Sud paraissent ces deux volumes. Celui de Patrice Royer (Bleu Nuit Editeur)  déroule chronologiquement la vie et l'œuvre de Janacek au cours de sept chapitres abondamment illustrés (60 photos, une première pour l'édition française) et passe en revue successivement Enfance, études, mariage - L'influence de la musique populaire et les premières tentatives lyriques - Naissance d'un style nouveau - Epanouissement artistique dans la solitude - Reconnaissance et œuvres chorales - Jeunesse et plénitude - Célébrations finales. Chez Actes Sud, un volume dans lequel Jérémie Rousseau dresse en cinq chapitres un portrait très contrasté de Janáček et définit très exactement la place de ses opéras et de ses musiques symphoniques ou vocales et leurs nouveautés (ces chapitres sans titre peuvent s'énoncer ainsi : Formation, nationalisme - La personnalité tyrannique de l'homme et ses répercutions sur ses compositions - Jenufa et la naissance d'un style personnel - La muse Kamila et les œuvres qu'elles lui a inspirées - Les derniers chefs-d'œuvres - un postlude analysant l'influence de Janáček sur la musique moderne. Les deux auteurs réussissent chacun une excellente synthèse et dessinent précisément les contours de l'apport musical du compositeur. Ne boudons pas notre plaisir devant ces études, la littérature musicale en langue française touchant le compositeur se résumant seulement aux excellents cahiers de la revue Avant-Scène Opéra et à un seul livre paru dans les années 80, sans compter une parution dans les années 30 et qui, malgré une réédition il y a quelques années, n'est pas facile à trouver. Ces deux nouveaux volumes se terminent par le catalogue des œuvres du compositeur, par un tableau synoptique reliant Janáček aux mouvements artistiques et politiques de son temps (catalogue et tableau particuliers au volume des éditions Bleu Nuit), par une discographie et bibliographie sélectives et un index.

Malgré la limitation du format, les informations essentielles sont mises en relief et ces deux auteurs font honneur à l'édition musicale en actualisant les connaissances sur le compositeur morave, en en faisant ressortir les lignes de force. Deux livres à recommander fortement.


livres Janacek

D’autre part, un peu partout dans l’hexagone, le nom de Janacek fleurit sur les programmes de concerts symphoniques, de musique de chambre ou de récitals pour piano, avec par exemple, la pianiste Hélène Couvert et le quatuor Melos en avril.

Enfin, évènement à la fois rarissime et considérable, l’opéra de Lyon organise un festival Janáček en montant trois opéras du compositeur morave en un mois de mai constituant un véritable printemps pour sa renaissance et sa reconnaissance par le public français, avec Jenůfa, bien sûr, l’incontournable Jenůfa, mais également Kata Kabanova et l’Affaire Makropoulos, apportant ces trois productions de Glyndebourne galvanisées par la présence de la magnifique cantatrice Anja Silja. Les trois opéras seront représentés en alternance du 10 mai au 3 juin. (www.opera-lyon.com) Les Lyonnais et habitants de la région auront ainsi une chance inouïe de pouvoir entendre sur la même scène, par la même troupe et dans un laps de temps restreint un groupe d'opéras représentatifs du génie musical de Janáček. Gageons que la salle fera le plein à chacune des représentations et que le nombre de ses admirateurs s'accroîtra sensiblement ! Et dans cette attente, remercions l'Opéra de Lyon de son initiative !


opéra Lyon

Joseph Colomb, avril 2005