La vie musicale en Moravie- Břetislav Bakala (1897-1958)


On s'imagine mal depuis la France, sauf peut-être à l'exception notable de la personnalité et de l'immense travail de Leoš Janáček, à quel point la ville de Brno, la Moravie, leurs compositeurs et leurs interprètes jouent, dans la deuxième moitié du XIXème et au XXème siècles un rôle bien plus que modeste sur le plan de la création musicale. Il est vrai que Brno n'a pas et n'a jamais eu le statut politique de capitale. On sait combien, et en France, plus qu'ailleurs eu Europe, notre cécité centralisatrice ne nous incite pas à porter notre regard déjà vers les activités artistiques de nos propres provinces mais encore moins vers celles d'une ville et d'une province d'un pays qui va ou vient de retrouver son indépendance. A peine trouve t'on désormais le temps et les raisons parfois pour s'enquérir de ce qui se passe à Prague que notre culture identifie, en ces années d'effervescence mozartienne, comme lieu de la création du Don Giovanni et de séjours heureux de Mozart. Alors pour la lointaine, discrète, modeste, boisée et orientale Moravie... C'est pourtant oublier, un certain nombre de faits historiques essentiels qui s'y sont déroulés, c'est méconnaître la géographie de notre continent (on situe toujours aujourd'hui Brno soit par rapport à Prague, donc vers un est aux contours brumeux soit, par rapport à Vienne, au nord du Danube, quelque part sur un point de détour d'une route entre ces deux villes. C'est méconnaître l'histoire des arts et des sciences que de continuer à laisser dans l'ombre ces territoires à la personnalité d'exception.

Schikaneder

Carl Joseph Schikaneder (1773-1845)
chanteur, acteur compositeur et dramaturge
Cousin du libretiste Emanuel Schikaneder (1751-1812). Collabore avec les théâtres de Faubourg de Vienne (Theater an der Wien, Theater in der Josefstadt et dans d'autres villes de l'empire autrichien. Il est engagé à Brno de 1805 à 1811 puis revient à Vienne  (Theater in der Leopoldstadt). Il retourne à Brno de 1812 à 1816. Après un nouvel engagement à Vienne, il est engagé au Théâtre des Etats de Bohême à Prague (1819) et devient  régisseur en 1821, place qu'il occupe jusqu'en 1834.  Ses plus grands succès ont été ses rôles de comique dans les farces populaires viennoises. Il chanta dans les opéras de Cherubini, Mozart, Müller, Rossini, Isouard, Boieldieu et écrivit plus d'une trentaine de pièces de théâtre.
Sources: Jitka Ludvova, Hudebni Divadlo v ceskych zemich / Osobnosti 19. stoleti,  Divadelni Ustav Academia, Praha 2006, pp. 469-472
(photo reproduite avec l'aimable autorisation du Musée morave de Brno)


La carrière du chef d'orchestre Břetislav Bakala est, dans sa plus grande partie, intimement liée à l'intense vie musicale que connaît la capitale du sud de la Moravie dans la première moitié du XXème siècle.

Né le 12 février 1897 à Fryšták près de Holešov dans un petit pays morave de grande tradition musicale, la Hanaquie et dans une famille de musiciens (1), B. Bakala est d'abord l'élève de son père Antonín Bakala (1851-1907) et de l'organiste local Josef Doležal. Après des études de premier cycle au lycée archiépiscopal de la ville voisine de Kroměříž, il entre au lycée de Brno, est admis aux cours de piano de Marie Kuhlová (2) puis, après avoir fait sa connaissance s'inscrit à l'Ecole d'orgue (1912-1915) où il suit la classe de composition de Leoš Janáček. Il complète sa formation de pianiste avec un excellent interprète et pédagogue pragois en poste à Brno, Vilém Kurz (1872-1945). Après avoir été mobilisé et envoyé dans le Monténégro pendant la première guerre mondiale, il fréquente la classe de direction d'orchestre de František Neumann (1874-1929) (3), nommé au nouveau Conservatoire de Brno (1919-1920) et assiste son professeur d'orgue Eduard Tregler (4). B. Bakala débute sa carrière dans sa ville en occupant un poste de corépétiteur au Théâtre National (1920-1925) pendant qu'il termine ses études de composition avec Leoš Janáček. Plusieurs documents écrits de la main même de Leoš Janáček témoignent de l'attention du compositeur envers le potentiel artistique de son élève dont celui-ci : "Je certifie que B. Bakala suit bien les cours supérieurs de composition, que grâce à son application exemplaire, son assiduité et son réel talent, il obtiendra d'excellents résultats. Leoš Janáček, le 8 mars 1920"

La confiance du maître envers son élève est telle que Bakala est autorisé à fouiller, au domicile de Janáček, dans le bahut rustique décoré de motifs d'inspiration populaire par Anežka, l'épouse du peintre Joža Uprkra, bahut dans lequel le compositeur rangeait les partitions qu'il ne souhaitait pas livrer au public. Quelle n'a été sa surprise d'y découvrir un ensemble récent de mélodies que nous identifions depuis par le titre de Journal d'un disparu ainsi que deux compositions orchestrales, la Suite opus 3 et un Adagio, vieilles toutes deux de plus de vingt ans. (5) Le regard qu'il jette sur ce cycle de mélodies le persuade de réaliser une audition privée ce qu'il entreprend, en présence du compositeur, avec un de ses amis le ténor Jaroslav Lecian. Lors de la création de l'œuvre, le 18 avril 1921 au théâtre Reduta à Brno, il assure la partie pianistique accompagnant le ténor Karel Zavřel - qui le 23 novembre de cette même année portera le rôle de Boris lors de la création de Kát'a Kabanová - et l'alto Ludmila Kvapilová-Kudláčková. Quelques mois plus tard, ils récidivent à Prague. Nous devons donc bien à la perspicacité de B. Bakala et à sa capacité de convaincre le compositeur la résurgence de cette composition singulière.

le théâtre Reduta à Brno

Le théâtre Reduta à Brno
(photo reproduite avec l'aimable autorisation du Musée morave de Brno)

Insatisfait de ses conditions de travail, B. Bakala quitte ses fonctions de corépétiteur dès 1925, sollicite l'appui de Leoš Janáček auprès d'Otakar Ostrčil (1879-1935) pour une éventuelle collaboration avec le Théâtre National de Prague. La promesse de F. Neumann de lui laisser la direction de la première du Ballet de B. Martinů, Kdo je na světě nemocnější, arrive trop tard. (6) Bakala a déjà accepté le poste d'organiste à la cathédrale de Philadelphie, s'absentant, de son pays d'origine de septembre 1925 à mai 1926. Le séjour en Amérique lui offre l'occasion de jouer avec le violoncelliste et chef d'orchestre Hans Kindler (1892-1949) et d'entendre le violoniste Karl Flesch (1873-1944), professeur au Curtiss-Institute de Philadelphie. Bakala assiste à des concerts dirigés par S. A. Koussewitzky (1874-1951), chef de la Philharmonie de Boston, J. V. Mengelberg, (1871-1951), directeur de la Philharmonie de New York et peut écouter les pianistes I. Paderewsky  et S. V. Rachmaninov. Bakala n'oublie pas de promouvoir outre-atlantique la musique de son maître comme en témoigne sa correspondance. A son retour en Moravie, il travaille comme pianiste et dirige, à l'exception d'un intervalle de deux années (1929-1931) pendant lesquelles il est au Théâtre National, l'orchestre de la Radio (1929-1937) avec lequel il créé l'opéra Osud (Le destin, 1934). Bakala reste à la tête de l'orchestre de la Radio jusqu'en 1956, année où la Philharmonie d'Etat Morave est fondée avec une partie des membres de la formation radiophonique auxquels viennent se joindre des musiciens de l'Orchestre Symphonique et de nouveaux instrumentistes. B. Bakala est choisi comme chef principal et Directeur artistique (7). En parallèle, il travaille depuis 1936 avec le remarquable Chœur des Institutrices Moraves (Vachův sbor moravských učitelek), fondé et dirigé par le compositeur, chef de chœur et admirateur enthousiaste d'A. Dvořák, Ferdinand Vach (1860-1939) (8) dont il gardera jusqu'en 1958 la direction artistique, offrant à cette chorale la possibilité de collaborer avec les meilleures formations orchestrales professionnelles de Brno et d'autres institutions qu'il dirige pour des programmes et des enregistrements de certaines œuvres de Leoš Janáček (Messe Glagolitique). B. Bakala assure d'innombrables activités dans la vie musicale et artistique de sa ville, est à l'origine de la fondation de l'Orchestre symphonique de Brno, inaugure des cycles de concerts avec les formations de la radio dont les programmations laissent la part belle aux créations d'œuvres de compositeurs moraves de la génération antérieure tel  August Vilém Ambros (1816-1876) et contemporains comme Osvald Chlubna (1893-1971), élève de Janáček, Jaroslav Kvapil (1892-1958) (9), Vilém Petrželka (1889-1967), autre élève de Janáček puis de Vitězslav Novák, Theodor Schaefer (10), élève de V. Novák, František Suchý (1902-1977), hautboïste et élève de J. Kvapil. Il accompagne au piano pour des récitals des interprètes renommés et poursuit un travail de composition. Il est enfin nommé en 1951 professeur « externe » de direction d'orchestre à l'Académie Supérieure des Arts de la Musique Leoš Janáček.

le chef d'orchestre Frantisek Neumann

Le chef d'orchestre Frantisek Neumann
(photo reproduite avec l'aimable autorisation du Musée morave de Brno)

Sa carrière artistique s'est épanouie à la fois dans un profond respect et dans la promotion de l'école «Janáček» puis simultanément de celle de Vitězslav Novák (1870-1949) dont il avait découvert la musique dès l'adolescence, à l'occasion de sa participation en tant que choriste à la première de La tempête  le 17 avril 1910 sous la direction de Rudolf Reissig (11).

Bakala dirige

Bakala dirige
(photo reproduite avec l'aimable autorisation du Musée morave de Brno)

Toute sa personnalité, humaine et artistique était empreinte de distinction. Son attitude réfléchie, pondérée se traduisait par des objectifs d'interprétation similaires. Ces objectifs réprimaient sévèrement toute tentative de débordement, d'exaltation déplacée de quelque origine que ce soit. Bakala se portait garant, au travers de ses interprétations empreintes d'une extrême vigilance rythmique et d'une attention permanente à un juste équilibre de la balance des différentes parties, du respect de la structure interne de l'œuvre. Il peut paraître, à première vue, assez paradoxal que cet homme d'un caractère aussi mesuré, ait été un des plus grands défenseurs des œuvres du compositeur de la Petite renarde rusée , connu plutôt pour son impétuosité que pour son calme, et que nombre de ses enregistrements des oeuvres de Leoš Janáček (Capriccio, Concertino, Messe Glagolitique, Danses de Lachie, Sinfonietta, Taras Bulba), soient justement considérées comme des références historiques incontournables. La personnalité de B. Bakala était fondamentalement à l'opposé de celle de Leoš Janáček dans bien des domaines. Ses corrections et révisions hors de propos, avec le compositeur Osvald Chlubna (12), du dernier opéra De la maison des morts (1927-1928), dont il assure la création après la mort de Leoš Janáček, le 12 avril 1930 à Brno, ont peut-être pour explication cette opposition de caractère et d'appréhension de l'avenir de l'humanité et cette incompréhension du pessimisme farouche et de la psychologie du compositeur. Bakala et Chlubna complètent d'un même élan les quelques dernières mesures manquantes dans un tout autre esprit y ajoutant même un hymne à la liberté ! Il est vrai que cet «opéra-testament» au pessimisme noir, nourri de la réalité du monde, cette recherche passionnée et sans concession de la vérité ainsi qu'une sombre prémonition du futur ne pouvait que déranger bien au-delà de Brno et de la Moravie un conformisme solidement établi. Ces compléments (13) laissent une ombre sur la carrière et le travail du chef d'orchestre morave. Ils soulevèrent, mais seulement avec le recul de l'histoire un certains nombre d'interrogations quant à leur opportunité (14). A sa décharge mais sans vouloir l'en excuser, Břetislav Bakala n'est pas le seul chef d'orchestre a s'être autorisé des modifications d'œuvres lyriques du compositeur. Karel Kovařovič (Prague), Erich Kleiber (Berlin) dans Jenůfa, Václav Talich, Jaroslav Řídký dans Káťa Kabanová, František Škvor (premier acte) et de nouveau Jaroslav Řídký (deuxième et troisième acte) dans La petite renarde rusée, Milan Sachs et Vilém Tauský dans Les excursions de Monsieur Brouček, la liste est longue des personnalités musicales tchèques reconnues, déroutées par un processus d'écriture et d'instrumentation en rupture, en opposition avec la tradition polyphonique classique et l'héritage romantique, qui se permirent « en toute bonne conscience académique » des interventions dans sa musique. Même son opéra L'affaire Makropoulos, peut-être pourtant le plus accompli de toutes ses œuvres lyriques instrumentalement et dramatiquement parlant, ne fut pas épargnée.

B. Bakala orchestra également le second mouvement de la Sonate pour piano de L. Janáček, réalisa les réductions pour piano de plusieurs de ses œuvres principales et écrivit un livre sur sa propre conception de l'interprétation des œuvres de Leoš Janáček.

Eric Baude - février 2007

Bakala et Rafael Kubelik

Le chef d'orchestre Rafael Kubelik (à gauche) en compagnie de Bretislav Bakala à Salzbourg en 1957
(photo reproduite avec l'aimable autorisation du Musée morave de Brno)

Bibliographie


JÍLEK, František, Poznámky k instrumentaci Janáčekových oper, (Remarques à propos de l'instrumentation des opéras de Leoš Janáček), Brno, 1965, Sborník Janáčkových Múzických Umění, pp. 27-36

RITTER, William, L'opéra posthume de Leos Janacek De la maison des morts, Gazette de Lausanne et Journal suisse, Lausanne, 21 décembre 1930

STĚDROŇ, Bohumír, Z korespondence Břetislava Bakaly, Opus Musicum, 1977, Brno, pp. 3-8

Compositions de B. Bakala

Fantasie pro smyčcový  kvartet  (Fantaisie pour quatuor à cordes) 1913, 1935
Z Večernicích písní Vitězslava Halka (chant sur le cycle Chansons du soir de V. Halek), 1913-1914
Porubany  pour chœur d'hommes, 1914
Janek pour voix et piano, 1915
Deux œuvres pour violon et piano,1915, 1916
Sonate pour violoncelle et piano,1915-1918
Quatuor à cordes en do majeur, 1919
Scherzo pour orchestre,1922
Valašské písní pour chœur mixte, 1927, réduction pour petit orchestre, 1950
33 lidové písní ze Zlinska pour chœur d'hommes (en collaboration avec son frère Jaroslav), 1939
Ráno (Le matin) 1948

Čtyři písně z našeho Slovacka pour 3 voix de femmes (non daté)
Mužské sbory (Chœurs d'hommes), non daté
Ave Maria
Naš prapor  pour chœur d'hommes
Pochod (Marche) pour 2 violons, violoncelle et piano (non daté)
Koledy pour voix et orchestre (non daté)
Diverses esquisses

Bakala -Sonate

Sonate pour violoncelle et piano, manuscrit de Bretislav Bakala
(photo reproduite avec l'aimable autorisation du Musée morave de Brno)

NOTES


1 Ses frères Jaroslav (1895-1952) et Metoděj (1886-1950) tout comme sa sœur Antonie se sont aussi illustrés dans et pour la musique. Son père Antonín était instituteur, comme le père de Janáček. Metoděj, l'aîné des enfants, continua dans la voie de son père en devenant instituteur, puis directeur d'école. Il se retrouva maire du village de Vizovice (à une dizaine de kilomètres de Zlin et à une vingtaine de sa ville natale), anima l'antenne locale de Sokol, organisa nombre de manifestation culturelles en même temps qu'il collectait de la musique populaire, dirigeait un ensemble choral, mettait en scène divers spectacles et composait.

2 1862-1951, professeur à l'Ecole d'orgue de 1891 à 1909. Elle eut comme élèves J. Kvapil, V. Petrželka…

3 František Neumann dirige l'Opéra de de Brno (Théâtre National) à partir de 1919 et enseigne au Conservatoire. Neumann dirige les créations de plusieurs œuvres de L. Janáček.

4 1868-1932, professeur d'orgue à l'Ecole d'orgue (1913-1914) puis au Conservatoire de Brno de 1919 jusqu'à sa mort. Il fonda à Prague en 1904 (1906 ?) avec Antonín Herman un institut musical privé auquel il donnèrent le nom de « Dvorakeum ».

5 Jaroslav Vogel, Janáček, Artia 1981, page 257 et Jan Vičar, Imprints, Essays on Czech musich and aesthetics, Palacky University in Olomouc, Togga, Prague, 2005, page 58

6 En fait, Bakala dirigea bien le 31 janvier 1925 au Théâtre National de Brno la première audition de ce ballet Qui est le plus puissant au monde ? (H 133 au catalogue des compositions de Martinů)

7 Václav Neumann dirige à ses côtés le nouvel orchestre pendant la première saison puis quitte Brno à l'automne 1956 pour Prague et son orchestre symphonique FOK. B. Bakala est assisté d' Otakar Trhlík (1956-1962), lauréat de la classe pragoise de Václav Talich et de son élève Zbyněk Mrkos (1956-1960).

8 F. Vach fut directeur de l'Ecole de musique et chef de choeur du cercle Moravan de Kroměříž de 1886 à 1895 puis de 1899 à 1905. Durant ces périodes il donne les cantates Hymnus (1887), Sainte Ludmila (1891), le Requiem (1892), Les chemises de Noces (1904) avec pour la plupart des représentations, la participation du compositeur lui-même.

9 Originaire de Fryšták, comme Bakala, Jaroslav Kvapil dirigea en 1933 une exécution de la Messe glagolitique. Sa sœur, la mezzo Ludmila Kvapilová-Kudláčková prêta sa voix à Zefka, la brune gitane du Journal d'un disparu lors de la création à Brno en 1921 et participa également à la création de Kát'a Kabanová, la même année.

10 Son quintette à vent (1935) obtient une récompense à Paris, récompense décernée par la Revue Musicale.

11 1874-1939, violoniste, altiste, violiste d'amour et chef d'orchestre, élève avec Josef Suk et Oskar Nedbal dans la classe d'Antonín Benewitz et dans celle de composition d'Antonín Dvořák au Conservatoire de Prague. Il enseigne par la suite à Kroměříž et à Brno (Ecole d'orgue, Conservatoire,  Beseda brnĕnská dont il devient directeur de l'école de musique et dont  il dirige l'ensemble orchestral). De 1920 à 1939, il fut professeur au Conservatoire de Prague. Ami de V. Novák, il fut par conviction artistique, un infatigable propagateur de sa musique dont il assuma un grand nombre de créations en tant que chef d'orchestre ou violoniste, aussi bien à Brno, territoire janacekien, qu'à Prague.

12 O. Chlubna est aussi intervenu mais cette fois avec l'accord du compositeur pour complèter à l'occasion de sa  tardive première représentation, son opéra Šárka.

13 Mais qu'est-ce qui a pu pousser Bakala et Chlubna, élèves en personne de Leoš Janáček, à trahir de manière si grossière philosophiquement mais habile musicalement la pensée de Leoš Janáček ? L'excellent chef d'orchestre morave František Jílek, élève de Z. Chalabala et d'A. Balatka, apporte quelques éléments de réponse dans son article « Remarques à propos de l'instrumentation des opéras de Leoš Janáček » (voir bibliographie). Milan Kundera, quant à lui, dit dans le numéro de la revue « L'avant-Scène Opéra » consacré à l'opéra « De la maison des morts » (N° 107, mars 1988) à propos de ce travail que «  ce n'est que quelques mesures, un court chant de liberté, mais c'est détestable. J'avertis les interprêtes de cet optimisme ajouté. »

14 Il faudra attendre jusqu'en 1958 pour une première publication, chez Universal, d'une partition chant et piano avec en appendice, la conclusion d'origine, puis les travaux du chef d'orchestre Rafael Kubelik (1914-1991) qui étudie le manuscrit original et supprime les ajouts de Bakala et Chlubna. C'est en 1980 que paraît enfin, sous la conduite de Charles Mackerras un enregistrement le plus musicologiquement respectueux possible de la volonté du compositeur (Decca, orchestre Philharmonique et chœurs de l'Opéra).