Gary Brain enregistre Josef Mysliveček

Josef Mysliveček (1737-1781) : VI / SINFONIE / CONCERTANTI, / O sia Quintetti / per / Due Violini, due Viole, e Basso / COMPOSTE DA / GIUSEPPE MISLIWECEK / DETTO IL BOEMO / Opera IIa

Le chef d’orchestre d’origine néo-zélandaise et aujourd’hui citoyen britannique Gary Brain, ancien élève des chefs d’orchestre Rafael Kubelík, Eugen Jochum et Lorin Maazel et du CNSM de Paris nous a courtoisement adressé un enregistrement des VI Sinfonie Concertanti du compositeur pragois Josef Mysliveček (1737-1781). On ne peut que se réjouir d’un nouvel enregistrement d’œuvres de musique instrumentale du « divin bohémien », ami de Mozart et que le disque n’a pas jusqu’à maintenant, particulièrement mis en valeur.

Ces œuvres parmi les premières (opus 2) de ses compositions ont été publiées à Paris et à Lyon par l’éditeur Jean-Baptiste Venier vers 1767. Pourquoi Paris ? La capitale française est l’une des premières si ce n’est la première place européenne dans le domaine de l’édition musicale à cette époque et publier ses œuvres chez un éditeur parisien peut leur assurer une large diffusion européenne.
Mysliveček, issu d’une famille de meuniers pragois quitta tôt la Bohême pour l’Italie. Lorsqu’il arrive à Venise, probablement vers la fin de 1763, il est âgé de 26 ans.

Mysliveček appartient à une génération de compositeurs pré-mozartiens originaux comme Joseph Haydn (1732-1809), le tchèque et viennois d’adoption Jan Křtitel Vaňhal (1739-1813), Florian Gassmann (1729-1774) dont on mesure difficilement l’importance et le rôle réel sur l’évolution du langage musical classique tant les musicologues, lorsqu’ils se penchent sur la production musicale de cette période, ont encore l’habitude à quelques exceptions près, de faire référence au modèle mozartien. Seul Haydn commence seulement aujourd’hui à pouvoir être apprécié de manière indépendante alors que tous les autres « petits » compositeurs demeurent encore prisonniers malgré eux de l’attractivité du musicien de Salzbourg.

Il nous faut faire deux remarques à propos de la couverture de la gravure de l’opus II de Mysliveček. Ces remarques vont dans le même sens que le texte pertinent du musicologue Daniel E. Freeman qui accompagne l’édition de ce CD. Le titre mentionne VI SINFONIE concertanti avec 2 parties d’alto, elles-même concertantes. Mysliveček fait preuve d’indépendance et d’originalité en allant plus loin que ses contemporains de l’époque dans le rôle confié à ces deux voix, traitées la plupart du temps à égalité avec les parties de violons.

Myslivecek par Gary Brain

CD référence TOCC0023 édité chez Toccata Classics

On peut également se poser la question de savoir si ces œuvres doivent être interprétées de préférence en formation réduite ou plus large. Là encore on trouve dans la lecture de la page de titre une ébauche de réponse. Soit on les interprète comme dans cet enregistrement, à plusieurs par pupitre ce qui permet de renforcer la dynamique, certains effets et contrastes et dans ce cas le terme de Sinfonie prend tout son sens, soit on fait le choix plus intime de jouer cette musique à un instrumentiste par pupitre. Les deux options sont toutes les deux aussi respectables. Le titre de l’édition française peut aussi vouloir signifier un souci de l’éditeur de s’assurer la plus large diffusion possible. Nous sommes donc au carrefour d’une musique qui, d’une certaine façon, a deux visages comme les deux versants d’une même montagne.
L’enregistrement de cet opus 2, malgré une acoustique trop sèche et finalement contredisant un peu le choix d’une version orchestrale pourtant tout à fait pertinente, séduit par la qualité de son interprétation, le soin particulièrement attentif apporté à la dynamique, au phrasé, aux nuances et aux tempi de chaque mouvement. Il est très agréable d’entendre un enregistrement d’un orchestre russe peu connu qui sait, probablement à la demande de Gary Brain, faire un usage modéré du vibrato. On attend désormais avec intérêt de pouvoir découvrir la suite des œuvres instrumentales de Mysliveček avec ces interprètes.

Eric Baude, mars 2007