Amalie Janáček, mère de Leoš

Amalie Grulichova naquit le 13 avril 1819 à Pribor, petite ville alors peuplée de 4 000 habitants environ. Elle était la fille d'un tailleur de ce lieu. C'est là qu'elle rencontra Jiří Janáček, instituteur dans cette même petite ville. Elle se maria à l'âge de 19 ans avec Jiří et tout de suite entra dans le cycle régulier et bisannuel des grossesses, naissances et maternages. Cinq enfants naquirent ainsi à Pribor entre 1838 et 1846. Après l'emménagement à Hukvaldy, huit nouvelles naissances de 1849 à 1863 agrandirent la famille.

Constatons que cette petite région de Moravie, autour de la ville de Pribor, vit naître deux personnages importants, non seulement pour la Moravie, mais pour l'ensemble de l'Europe : Leoš Janáček à Hukvaldy en 1854 et deux ans plus tard à Pribor, Zigmund Freud. La terre morave était féconde en gens de qualité en ces années là !

Elle avait 44 ans lors de la naissance du dernier enfant. Imaginons ce labeur et ses conséquences sur la santé d'une femme mère de 13 enfants ! Cette vie ressemblait certes à celle de beaucoup de femmes de milieu populaire qui subissaient ce cycle répétitif de grossesse tous les deux ans. Amalie ne put compter que sur elle-même pour élever ses enfants, les aînés aidant leur mère dans les soins aux plus jeunes. Dure vie, d'autant plus dure que le salaire de son mari était maigre, que les épidémies rôdaient régulièrement, que le logement à l'école d'Hukvaldy, sans être insalubre se révèlait froid et humide et que la santé de son mari déclina à partir de 1858. Les aînés travaillaient tôt et apportaient ainsi un complément de ressources à la famille, comme Karel, instituteur assistant de son père à Hukvaldy.

Nous savons que la vie de Jiří était remplie par l'enseignement, les soins donnés à ses ruches, et bien sûr la musique. Il apporta à ses enfants une formation musicale élémentaire, mais solide, dont Leoš surtout tira profit en étudiant par exemple les sonates de Beethoven. On ne doit pas négliger le rôle plus obscur, mais réel que joua Amalie, elle aussi musicienne, dans la formation initiale de Leoš.

Amalie Janacek

L'état sanitaire de la Moravie ressemblait, en cette moitié du XIXème siècle à celui que subissait l'ensemble de la population européenne et notamment les classes populaires. Ainsi, sur les 13 enfants, un garçon prénommé Jiří, comme son père et son grand-père, ne survécut pas plus que quelques heures - peut-être même était-il mort-né ? - alors que les deux derniers, nés respectivement en 1861 et 1863 ne vécurent que 6 jours, tandis que le premier enfant né à Hukvaldy (le sixième de la famille) mourut à l'âge de deux mois. Restaient 9 enfants à élever, dont cinq de moins de 15 ans, lorsque Jiří, le père, décéda en mars 1866. Heureusement, les aînés volaient de leurs propres ailes. On sait que Leoš, déjà, ne pesait plus trop sur sa famille puisqu'il se trouvait pensionnaire boursier à Brno au couvent des Augustins.

Comment Amalie fit-elle front avec ses enfants sur les bras ? Elle possédait une belle voix, savait jouer de la guitare et de l'orgue. Elle postula donc à la succession de son mari à la tête de l'école d'Hukvaldy. En fait, elle ne put tenir que le poste d'organiste et seulement jusqu'à l'arrivée du nouvel instituteur.

A l'automne de cette année 1866, les conséquences de la guerre entre la Prusse et l'empire autrichien se firent sentir dans tout le pays. En Moravie, plus particulièrement à Hukvaldy, elles se manifestèrent par de mauvaises récoltes et des épidémies de choléra et de fièvre typhoïde. Au début du printemps de 1867, Rozalie, âgée de 18 ans, succomba à la typhoïde à Pribor où Amalie était venue trouver assistance auprès de ses parents.

Amalie habita un temps à Brno en 1881 au n. 15 de la rue Mestanka (alors que Leoš et sa jeune épouse Zdenka logeaient au n. 46 de la même rue). A un peu plus de soixante ans, elle ne pouvait compter que sur l'aide financière que lui apportaient Leoš et ses autres frères.

Conscient des difficultés de vie de sa mère, Leoš voulut l'héberger chez lui, mais il craignit les réactions de son épouse, et de sa belle-famille, devant le caractère de sa mère et la différence de niveau social entre elle et ses beaux-parents. Cette différence s'était déjà exprimée au moment du mariage de son fils le 13 juillet 1881 puisque si elle assista bien à la cérémonie religieuse elle ne parut pas au banquet de noces. Cette situation inconfortable dura quelque temps jusqu'au moment où Amalie décida de quitter Brno pour rejoindre, à Svabenice, Eleonore, une sœur aînée de Leoš. On ne sait pas si elle visita son fils au moment de la naissance d'Olga le 15 août 1882. Enfin, en 1884, Amalie revint à Hukvaldy, chez une autre de ses filles, Josefa où elle vécut, atteinte d'un cancer, les derniers jours douloureux de sa vie.

Quelques jours avant l'issue fatale, elle écrivit cette lettre à son fils :

Cher Leoš,
Pour la dernière fois de ma vie, je t'écris pour te demander de m'envoyer l'argent de ma pension. Et je te dis au revoir et te souhaite bonheur, santé et satisfaction en ce monde et n'oublie pas ta mère qui t'aime.
Mes baisers à Zdenka et à la petite Olga et je suis extrêmement triste de ne pouvoir vous voir une dernière fois.
Que Dieu soit avec toi, ta mère Amalia Janáček.
Meilleurs souhaits à tous les amis.

Lettre d'Amalie a Leos

Quelques jours plus tard, Leoš reçut une lettre alarmante de sa sœur Josefa lui confirmant la gravité de l'état de santé de leur mère, annonçant sa fin prochaine et le suppliant de l'assister au moment des funérailles.

La mort survint le 16 novembre 1884. Leoš ne put assister à l'enterrement, lui-même se trouvant en mauvais état de santé, sans doute aggravé par les remords dus à son manque d'assistance quelques années auparavant.

Amalie fut enterrée dans le cimetière de Rychaltice, village distant de 2 km d'Hukvaldy. Le transfert au cimetière d'Hukvaldy s'effectua en 1947. (Voir le plan d'Hukvaldy)

On peut supposer que les enfants de Jiří Janáček et Amalie possédaient une santé robuste puisqu'en dehors de Rozalie enlevée à l'âge de 18 ans par la typhoïde, et deux qui moururent respectivement à 52 et à 56 ans, les 6 autres atteignirent 70 ans (dont Leoš) et deux dépassèrent même 80 ans, Josefa s'éteignant à l'âge vénérable de 89 ans.

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