Reicha parle de ses quintettes pour vens

C'est à Antoinette Virginie, la fille d'Antoine Reicha, que nous devons les manuscrits où le compositeur parle de ses 24 quintettes pour vens (sic). On ne peut qu'être surpris du jugement de Reicha lorsqu'il avance que "les instrumens à vent n'avaient pas de bonne musique classique, mais pas même de bonne musique. Les compositeurs célèbres n'ont rien écrit pour ces instrumens soli parce qu'ils ne les connaissaient qu'imparfaitement" quand on pense, en autres, aux sérénades de Mozart ! Reicha, en bon promoteur de son œuvre, a-t-il voulu noircir la situation pour mieux vanter ses propres mérites ? La parole est au maître.

Mes quintettes pour vens, par A. Reicha

Revenons maintenant à mes vingt-quatre quintettes pour les instrumens à vent, qui sont tout à fait d'une création nouvelle. Pour comprendre la grande surprise qu'ils ont causée partout en Europe, la réputation qu'ils m'ont value et la sensation générale qu'ils produisirent, il faut savoir non seulement que les instrumens à vent n'avaient pas de bonne musique classique, mais pas même de bonne musique. Les compositeurs célèbres n'ont rien écrit pour ces instrumens soli parce qu'ils ne les connaissaient qu'imparfaitement. Ils ignoraient ce qu'ils étaient en état d'exécuter. Ils n'ont pas songé aux effets neufs piquans et variés qu'un heureux mélange de ces instrumens peut produire. Les instrumens à vent ont fait des progrès très sensibles dans l'exécution depuis environ vingt ans ; leurs instrumens se sont perfectionnés surtout par l'addition des clefs à main, ils n'avaient pas de bonne musique pour se faire valoir ; tandis que les instrumens à cordes étaient si riches en excellentes productions. J'ai trouvé les choses en cet état lorsqu'il me vint dans l'idée de réunir les cinq principaux instrumens à vent (flûte, hautbois, clarinette, cor et basson) et de m'essayer en composant un premier quintette pour ces instrumens. Cette première production de ce genre ne me réussit pas trop, aussi n'en ai-je point fait usage depuis.

C'est un genre de musique tout à fait nouveau qu'il a fallu créer pour ces instrumens qui tiennent le milieu entre les voix et les instrumens à cordes ; ce sont des combinaisons d'un genre tout particulier, qu'il a fallu faire pour frapper les auditeurs en faisant valoir ces instrumens selon la nature de chacun d'eux, ce sont des connaissances amples et approfondies qu'il a fallu acquérir sur chacun de ces cinq instrumens. Ce n'est qu'après avoir bien réfléchi, bien médité sur tout cela et pris tous les renseignemens possibles sur ces instrumens que je fis mon second essai en composant d'eux nouveaux quintettes qui cette fois réussirent incomparablement mieux. Mais ils ne furent d'abord entendus que par quelques personnes. Quatre ou cinq ans après, j'en fis un troisième, et successivement les trois suivans. Ce sont ces six quintettes qui forment la première livraison.

Ce sont messieurs Guillon, Vogt, Bouffil, Dauprat et Henry (1) qui les exécutèrent si admirablement, qui m'encouragèrent sans cesse à compléter cette collection et ce sont eux qui les ont fait valoir avec tant d'éclat. On les a exécutés avec un succès extraordinaire, en public, dans les salons ; tout le monde voulut les entendre et tout Paris en parla. Encouragé de la sorte, j'en ai augmenté le nombre jusqu'à vingt-quatre. Ils sont publiés en quatre livraisons qui chacune contient six quintettes. Il paraît qu'ils produisirent la même sensation partout en Europe, témoin la quantité de lettres et de félicitations que l'on m'a adressées de toutes parts.

(1) Joseph Guillen, flûtiste français et professeur au Conservatoire de Paris. Élève de Reicha en théorie de composition. Jacques Jules Bouffil, clarinettiste, et Henry, bassoniste, professeurs au Conservatoire de Paris ou membres de l'orchestre du Théâtre.

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