František ŠKROUP (1801-1862)

Compositeur et chef d’orchestre né à Osice près de Pardubice en Bohême centrale. Son père Dominik[ii] fait partie de la tradition musicale des  « kantor »[iii] et compose durant sa vie essentiellement de la musique religieuse (messe, pastorales…) ainsi qu’un concerto pour cor. František fait ses études à Prague, chante à la maîtrise de la cathédrale Saint Guy et les poursuit à Hradec Králové où il fréquente un cercle d’ « éveilleurs »[iv] (J. L. Ziegler, J. H. Pospišil et Václav Kliment Klicpera[v]) et se sensibilise aux idées d’une histoire et d’une identité spécifiques tchèques. Il commence  à diriger un cercle vocal et à écrire. De retour à Prague en 1819, il suit en tant qu’auditeur des cours de droit mais très vite consacre toute son énergie à la cause du  théâtre amateur tchèque et s’occupe du premier cercle pour l’opéra tchèque qui organise dès 1823 des représentations régulières d’opéras et de singspiels au théâtre des Etats (Stavoské Divadlo) traduits en langue tchèque (La famille Suisse de J. Weigl, Le Porteur d’eau de Cherubini, Le Freischütz de Weber, Don Giovanni de Mozart…).  La création de son opéra populaire[vi] en langue tchèque, au style mozartien et à l’orchestration délicate, Dráteník (littéralement Le racommodeur de faïence), sur un livret du poète Josef Krásoslav Chmelenský[vii], considéré comme la première œuvre tchèque dans le genre[viii], a lieu le 2 février 1826 au Théâtre des Etats. Le compositeur chante lui-même le rôle titre à cette occasion[ix].

Fort du succès de sa première œuvre lyrique, F. Škroup devient second chef d’orchestre du Théâtre des Etats puis chef d’orchestre principal en 1837. Ses programmes présentent au public pragois de  nouveaux opéras étrangers (Spohr, Halévy, Meyerbeer, Lortzing et par la suite Wagner et Verdi), des œuvres du répertoire classique (Mozart, Glück…). Il compose un nouvel opéra, cette fois en allemand Die Nachtschatten (1827) sur un livret de C. J. Schikaneder, un second ouvrage en tchèque Oldřich a Božena[xi] (1828) dont l’échec l’incite à  à réécrire entièrement une autre version avec un livret en allemand[xii] de l’histoire de Uldarich und Božena (1833) version qui sera de nouveau adaptée en tchèque par Josef Kajetan Tyl[xiii] et représentée en 1847. Entretemps il compose non seulement deux autre opéras en allemand, Der Prinz und die Schlange[xiv] (1829) et Die Drachenhöhle bei Röthelstein[xv] (1832) mais aussi son troisième et dernier opéra en langue tchèque sur un nouveau livret de J. K. Chmelenský, Libušin sňatek (Le mariage de Libuše). Celui-ci sera représenté en 1835 (extraits). Viennent encore deux autre ouvrages lyriques, Die Geisterbraut (1836)[xvi], et Drahomír (représenté en 1848)[xvii], qui sont un nouvel échec en raison de la qualité médiocre de leur livret et de l’éclectisme de leur musique. Son opéra romantique Die Meergeuse[xviii](1850-1851) remporte un honnête succès et est donné à Brno, Vienne et Rotterdam. Sa dernière composition lyrique Columbus[xix] (1855) ne sera créé à Prague qu’en 1942[xx].

A l’exception de son singspiel tchèque Dráteník, son unique réel succès lyrique, F. Škroup doit surtout sa popularité à la composition en 1834 de la musique de scène de la pièce comique et populaire de Josef Kajetan Tyl Fidlovačka[xxi] dont la chanson Kde domov můj (Où est mon pays ?)[xxii], chantée au théâtre par un musicien de rue aveugle du nom de Mareš, se répandra à travers tous les pays de Bohême et deviendra plus tard l’hymne national. En raison de son caractère satirique et socialement contestataire, la pièce sera retirée du répertoire après une seule reprise et ne réapparaîtra à l’affiche qu’en 1917 à Prague.

Après 20 ans passés à la tête du Théâtre des Etats, F. Škroup est remercié et, faute de trouver un poste à Prague, s’exile en 1860 à Rotterdam où il prend la tête de l’orchestre de l’opéra pendant deux années avant de mourir.

Ses activités pragoises ont pourtant largement dépassé le cadre du Théâtre des Etats et des compositions de musiques de scène[xxiii]. Il dirige des concerts lors des manifestations de l’Union des artistes, aux académies de musique de la salle Sophie. En collaboration avec J. K. Chmelenský[xxiv], il publie, à l’intention des jeunes femmes tchèques, 5 recueils annuels de chants sous le titre Věnec ze zpěvů vlasteneckých[xxv] (1835-1839). Des raisons financières interrompent la série mais Škroup  éditera encore un dernier  volume en 1843-44. Cette initiative est prise pour tenter de répondre à l’attente d’une anthologie de chansons tchèques à l’image des lieds allemands. Plusieurs des propres contributions de Škroup à ces recueils sont des chants extraits de ses œuvres lyriques. Son frère Jan Nepomuk[xxvi] participe également à cette publication qui, en dépit de son contenu musical et poétique parfois inégal, a le mérite d’ouvrir la voie, dans ce domaine inédit, aux grands compositeurs tchèques. Le supplément à cette dernière parution, Přiloha k Věnci, auquel contribuent des personnalités intellectuelles et artistiques proches de F. Škroup comme J. K. Tyl et J. Čejka, peut être considéré comme la première revue musicale tchèque.

Dvořák utilise  Kde domov můj avec le chant populaire Na tom našem dvoře (Le cornemuseux de Strakonice, pièce de J. K. Tyl) dans son ouverture et sa musique de  de scène de la pièce J. K. Tyl de František Ferdinand Šamberk[xxvii]. Kde domov můj est également repris par František Ondříček (Rapshodie Bohême, 1906). L’hymne à la lune, dans l’opéra de L. Janáček L’excursion de monsieur Brouček dans la lune, parodie le texte de Kde domov můj.

Le fils de F. Škroup, Alfréd[xxviii], violoniste dans l’orchestre de son père à Rotterdam fait à son tour une carrière de chef de chœur et d’orchestre en Allemagne, en Pologne, en Autriche et s’installe à Prague en 1884 comme agent artistique. Il sera l’agent notament de Karel Burian et de Růžena Maturová.

Éric Baude, février 2005

Catalogue des œuvres selon le numéro d’opus

De nombreuses partitions autographes ont disparu (détruites par le compositeur lui-même ?). Il semble nécessaire de (re)faire un catalogue complet des compositions. [xxix]

Dráteník, op. 1, opéra (singspiel) en langue tchèque.

Vier Gesänge, op. 2, 4 choeurs d’hommes.

Drei Lieder, op. 3, 3 chants avec accompagnement de piano.

Mutterliebe, op. 4, chant avec accompagnement de piano.

Wanderliebe, op. 5, chant avec accompagnement de piano.

An den Abendstern, op. 6, chant avec accompagnement de piano, cor ou violoncelle.

Messe en ré mineur, op. 7.

Cotillon et Galop, op. 8, piano.

Polonaise et Mazur, op. 9, piano.

Sechs Walzer und Coda, op. 10, piano.

Die Schildwache,op. 11, chant avec accompagnement de piano.

An die Natur, op. 12, chant avec accompagnement de piano, cor ou violoncelle.

Drei Gedichte, op. 13, 3 chants avec accompagnement de piano.

Festouverture (1832), op. 14, orchestre.

Neuntes Wanderlied durch’s Lauterthal, op. 15, avec accompagnement de piano, cor ou violoncelle.

Ouverture pour la pièce « Fidlovačka », op. 16, musique de scène, réduction pour piano.

Die Sennin, op. 17, chant avec accompagnement de piano et clarinette.

Der Wolkenhimmel, op. 18, chant avec accompagnement de piano.

Oldřich a Božena, op. 19 (?), opéra en langue tchèque, perdue, 2 chants publiés dans Věnec en 1835 et 1837.

Libušin sňatek, op. 20 (?), opéra en langue tchèque, extraits publiés dans Věnec en 1835 et 1838.

Drei Lieder, op. 21, chant avec accompagnement de piano.

Čtyři sbory, op. 22, 4 chœurs mixtes.

Drei Lieder, op. 23, chant avec accompagnement de piano.

Quatuor en fa majeur, op. 24, quatuor à cordes.

Quatuor en do mineur, op. 25 (?), quatuor à cordes.

4 chansons tchèques, op. 26, chant avec accompagnement de piano.

Trio en mi bémol majeur, op. 27, pour clarinette, violoncelle et piano.

Trio en fa majeur, op. 28, pour violon, violoncelle et piano.

Quatuor en sol majeur, op. 29, quatuor à cordes.

Trio facile en sol majeur, op. 30, pour violon ,violoncelle et piano.

Povbuzení k zpěvu (Encouragements pour le chant), op. 31, chant avec accompagnement de piano.

Česka, op. 32, chant avec accompagnement de piano.

Překážka, op. 33, chant avec accompagnement de piano.

Der Meergeuse, op. 34, opéra en langue allemande.

Drei Lieder, op. 35, 3 choeurs d’hommes à 4 voix.

Festmarsch, op. 36, piano.

Nevěsta předoucí, Věnečky, op. 37, chants avec accompagnement de piano.

Columbus, op. 38 (?), opéra en langue allemande.

Du fühlst es nicht, op. 39, chant avec accompagnement de piano.

Das grosse Auge, Die grosse Thräne, Der grosse Schmerz, op. 40  chant avec accompagnement de piano.

Des südlands Sänger, op. 41, chant avec accompagnement de piano.

Messe en do mineur, op. 42.

Ouverture (1861), op. 43, orchestre.

Adé, mein Schatz !, op. 44, chant avec accompagnement de piano.

Ja, er ist’s !, op. 45, chœur d’hommes.

 

Sans numéro d’opus (sélection):

Cantate zur namensfeyer (1820)

Cantate zur neujahrsfeyer (1821)

Variations pour le pianoforte (1822)

 Arlequin jako krejčovský tovarýš , musique de scène (1824), disparue.

 Der Prinz und die Schlange, musique pour un conte en allemand (1829), traduit en tchèque en 1835, disparue sauf un chant publié dans Věnec.

Uldarich und Božena, opéra en langue allemande.

Die Geistergraut, opéra en langue allemande, disparue.

Bratrovrah, musique de scène (1830).

Čestmír, musique de scène (1835 ?), extrait publié dans Věnec en 1837.

Chœur, trio et quatuor vocal pour  la pièce Robert le diable, (1834 ?), disparue.

Die Weihe der Kunst, musique de scène (1846 ?), disparue.

Žižková smrt, musique de scène (1850 ?).

Don César a spanilá Magelona, musique de scène (1852 ?), disparue.

Ave maria à 4 voix, 2 cors et quatuors à cordes (1824)

Psalmus 132 pour 3 voix d’hommes à cappella.

Psalmus 147 pour chœur mixte à 8 voix.

Pět svato-janských hwezd, chants pour une croyance populaire (1847 ?) en langue tchèque, traduit en langue allemande.

Památka Chmelenskému, cantate en souvenir de Chmelenský (1845), disparue.

Vlastenka, chant à deux voix de femmes avec accompagnement de piano.

Notes

[ii] 1766-1830 lui-même fils d’un instituteur. Il élevé par son oncle František, « kantor » à la mort de son père.

[iii] Instituteur- musicien, organiste, chef de chœur, compositeur, le « kantor » joue un rôle essentiel au sein de la société rurale tchèque du 17ème jusque dans la première moitié du XXème siècle. Plusieurs membre de la famille de F. Škroup, en dehors de son père, ont appartenu à cette « corporation » de kantor : Jan Škroup (vers 1739-1774), kantor à Včelákov, grand-père du compositeur, František Škroup (?), frère de Jan, kantor à Vejvanovicích et tuteur de Dominik, Václav Škroup, autre frère de Jan, et kantor à Restolkách.

[iv] On considère généralement la publication en 1775 par František Martin Pecl de la Défense de la langue slave, particulièrement tchèque, écrite en latin un siècle plus tôt par un historien jésuite Bohuslav Balbín (1621-1688) comme le point de départ du vaste mouvement de Renaissance nationale. Les « éveilleurs » (intellectuels et artistes) sont les initiateurs et les animateurs de ce mouvement de prise de conscience nationale tchèque.

[v] 1792-1859.

[vi] Singspiel en 2 actes

[vii] 1800-1839, fils du compositeur František Chmelenský (1775-1803), kantor à Bavorov.

[viii] Plusieurs opéras en langue tchèque ont déjà été composés à l’époque classique par des compositeurs de Bohême et de Moravie.

[ix] Rôle chanté en langue slovaque.

[xi] sur nouveau livret de J. K. Chmelenský.

[xii] Livret de F. V. Ernst.

[xiii] 1808-1856.

[xiv] Opéra féérique sur un livret de Ferdinand Valentin Ernst. Adaptation en tchèque par J. K. Chmelenský en 1835.

[xv] Livret d’Ignaz Kollmann.

[xvi] Livret de F. V. Ernst.

[xvii] Livret de V. A. Svoboda-Navarovský.

[xviii] Livret en allemand de Johann Carl Hickel.

[xix] Livret en allemand de Johann Carl Hickel.

[xx] Dans une version tchèque (traduction de F. Pujman) dirigée par Zdeňek Chalabala.

[xxi] On traduit Fidlovačka habituellement par Le violoneux mais la Fidlovačka est une fête corporative populaire organisée dans le quartier pragrois de Nusle par les cordonniers et qui se déroule chaque année le premier mercredi après Pâques. La première eut lieu le 21 décembre 1834. La chanson fut interprêtée par la basse karel Strakatý (1804-1868).

[xxii] Certains passages du chant (dont la mesure 4) semblent avoir des analogies mélodiques, rythmiques et harmoniques avec le mouvement lent (adagio) de la symphonie concertante pour hautbois, clarinette, cor et basson K. V. 297b de Mozart. Sources : Slovník české hudební kultury, Praha, Editio Supraphon, pp. 432-433.

[xxiii] Outre Fidlovačka Škroup compose les musiques de scène de Bratrovrah, Čestmír, Žižková smrt, Don César a spanilá Magelona.

[xxiv] Pour seulement les deux premiers recueils.

[xxv] Le titre complet est : Věnec ze zpěvů vlasteneckých uvitý a obětovaný  dívkám vlastenským (Guirlande de chants «patriotique » tressée et offerte aux jeunes filles du pays).Les 5 premiers volumes contiennent 137 chants de 32 compositeurs tchèques (J. F. Kittl, V. J. Tomášek, A. Dreyschock, J. Vitásek, F. Dreschler, J. Vorel, V. J. Rosenkranz…)  et 9 chants de compositeurs étrangers (Bellini, Meyerbeer, Mozart, Weber), principalement extraits du répertoire d’opéra, à une et deux voix avec accompagnement de piano. On rencontre dans ces recueils le nom de 33 poêtes tchèques (J. K. Chmelenský, K. J. Erben, F. L. Čelakovský, K. H. Machá, K. Sabina, V. Hanka, J. J. Marek, J. J. Picek…).

[xxvi] 1811-1892, compositeur, chef d’orchestre, chef de choeur et pédagogue. Il fut souvent associé aux œuvres de son frère František. Un troisième frère, Ignác (1807-1889) succède à son père comme kantor à Osice (1830-1871).

[xxvii] 1838-1904, František Xaver Schamberger de son vrai nom, acteur écrivain et metteur en scène.

[xxviii] 1843-1914.

[xxix] Sources : PLAVEC, Josef, František  Škroup, Praha, Melantrich, 1941, pp. 627-637.

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