Le témoignage de Mila Smetáčkova

Nous avons reçu une lettre de Mila Smetáčkova qui a bien voulu répondre à notre courrier et à quelques questions que nous lui avons posées à propos de son mari V. Smetáček. C'est à la suite de la lecture de son livre Zivot s taktovkou (Une vie de chef d'orchestre) que nous lui avons écrit.

« Je vous remercie de votre intérêt profond pour V. Smetáček. Mon mari eut 2 instruments français, tous les deux du facteur bien connu Cabart. Il joua de son instrument très régulièrement jusque l'âge de 50 ans puis au-delà de manière exceptionnelle. Il adorait jouer les quintettes à vent d'Antoine Reicha, les divertimenti de Mozart, le sextuor Mladi (Jeunesse) de L. Janáček ou des oeuvres de compositeurs contemporains. Le répertoire de sa formation à vent était immense et constitué de musique de toutes les époques.

Quant à son répertoire symphonique préféré, il me semble qu'il dirigeait avant tout des oratorios et des cantates, Mozart, Beethoven, Dvořák, Janáček, Smetana... En fait, il souriait de cette question un peu naïve et il ne voulait pas limiter sa réponse. Václav pensait que chaque interprète doit avoir une préférence momentanée pour l'oeuvre qu'il est en train de travailler. Je me souviens que chaque production de Má vlast de la Symphonie du Nouveau Monde était un grand moment de bonheur.

Je n'ai pas la liste des oeuvres qu'il a enregistrées en tant que hautboïste même si je crois qu'elle est très limitée et se réduit à quelques disques vinyles. Par contre en tant que chef d'orchestre, il a à son actif plusieurs centaines d'enregistrements réalisés en priorité pour Supraphon mais aussi pour DG et Schwann. Le problème est que beaucoup de ses enregistrements ont été piratés à travers le monde. De nombreuses radios diffusent encore ses concerts. L'un de ses plus grands succès fut sans doute les Carmina Burana de C. Orff. Orff le considérait comme le meilleur enregistrement de son œuvre.

Il adorait « son » orchestre FOK (l'orchestre symphonique de Prague qu'il dirigea pendant 30 ans !) mais considérait la Philharmonie Tchèque comme l'une des plus prestigieuses formations au monde et travaillait volontiers avec elle. Václav collabora longtemps avec l'orchestre symphonique de Berlin, la Staastkapelle de Dresde, retrouvait régulièrement l'orchestre du théâtre Colon de Buenos-Aires ou le symphonique de Nouvelle Zélande. Il admirait aussi la Philharmonie de Saint Pétersbourg et celle de Los Angeles de son ami Z. Mehta. Il travailla exceptionnellement en France, une ou deux fois à Marseille (opéra ?) et à Paris avec l'orchestre National. Malheureusement je dois avouer qu'il refusa par la suite de revenir car il détestait l'indiscipline de ces formations et ne trouvait pas les conditions pour satisfaire son degré d'exigence. (les choses ont bien changé...)

Parmi les chefs d'orchestre, il vénérait Erich Kleiber, Charles Münch, Herbert von Karajan, Evgeny Mravinsky, Sergiu Celibidache et il estimait à sa plus haute valeur son ami Zubin Mehta qu'il invita pour ses débuts à Prague avec l'orchestre FOK et à qui il prédit une grande carrière internationale de chef d'orchestre. »

Mila Smetáčkova, Prague le 5 avril 2003

Traduction et annotations (en italiques) par Éric Baude.

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