Dvořák en 1897 : Le Chant du Héros op. 111

Le compositeur tchèque Antonín Dvořák a 56 ans en 1897. Il est alors célèbre dans tout le monde musical. Cette renommée lui a valu d'occuper, de 1892 à 1895, le poste de Directeur du Conservatoire de New-York.

Ses revenus sont désormais confortables. Il peut subvenir aux besoins de sa nombreuse famille (6 enfants). Dvořák se libère par la même occasion des demandes pressantes de son éditeur et, pour la première fois de sa vie, est financièrement indépendant. Il prend le temps de composer des œuvres qui répondent à un besoin personnel et non à la demande du public.

Toutes les œuvres qui ont rendu Dvořák célèbre - à l'exception de l'opéra Rusalka, écrit en 1901 - ont alors déjà été composées : les symphonies (dont la trop fameuse 9ème "Du Nouveau Monde", 1892), les Danses Slaves (1878 et 1886-1887), les quatuors (le dernier date de 1895), les Chants Moraves (1875 à 1880), le deuxième concerto pour violoncelle (1895), etc.

Les poèmes symphoniques de 1896 sont moins connus du grand public.

D'une façon générale, le poème symphonique est une composition inspirée d'un texte littéraire. Il s'agit d'une musique descriptive, s'opposant à la symphonie et à la musique dite "pure". Pour ses quatre poèmes symphoniques de 1896, Dvořák se plonge dans les contes et les légendes de son pays. Il s'inspire de ballades d'un grand écrivain tchèque, Karel Jaromir Erben (1811-1870) . Ces compositions magistrales et au langage novateur sont un sommet de la littérature symphonique.

Pourtant le cinquième poème symphonique est différent. Le "Chant du Héros" , composé voici un siècle - d'août à octobre 1897 - n'a pas de sujet littéraire connu. D'après ce que nous savons des intentions de Dvořák, cette pièce décrit l'existence d'un homme confronté à des obstacles qu'il finit par surmonter.

Cette œuvre est restée longtemps inconnue des mélomanes. Même si en France la musique de Dvořák n'encombre pas les programmes des concerts, on trouve depuis longtemps l'essentiel de son œuvre symphonique sur disques. Le "Chant du Héros", toutefois, n'a été enregistré pour la première fois qu'en 1983 (pour la firme slovaque Opus, enregistrement difficilement disponible hors de Tchécoslovaquie ) et il a fallu attendre 1987 pour en avoir une version largement diffusée.

Les raisons de ce désintérêt ? L'œuvre est agréable, mélodique, et impressionnante de puissance, surtout par son final triomphant à la manière des "Préludes" de Liszt. Mais elle se situe sans doute en retrait des autres compositions contemporaines de Dvořák. Moins novateur que les autres poèmes symphoniques, moins profond que le second concerto pour violoncelle ou que les dernières symphonies, le "Chant du Héros" souffre de ces comparaisons. Il sonne aussi trop académique pour son époque. En cette fin de XIXème siècle le monde musical change. Dvořák est l'un des derniers représentant du romantisme, alors que d'autres compositeurs explorent de nouvelles voies : Mahler, Debussy, Sibelius, Richard Strauss, Janáček.

En 1897 Dvořák va perdre deux grands amis : Johannes Brahms et son compatriote, le chef d'orchestre et compositeur Karel Bendl. Le "Chant du Héros" est-il un hommage à ces disparus ? Cela a été suggéré. En fait l'essentiel est ailleurs : cette œuvre, la dernière qu'ait composé Dvořák pour orchestre, est un nouveau témoignage de l'optimisme serein du compositeur tchèque, et elle mérite d'être redécouverte.

Références

· The Life of Antonín Dvořák par Viktor Fishl, in Antonín Dvořák : His Achievement, Lindsay Drummond, London 1942

· Antonín Dvořák : Complete Catalogue of Works, Peter J.F. Herbert, The Dvořák Society for Czech and Slovak Music, troisième édition augmentée 1993

· Antonín Dvořák, Bibliograficky Katalog, ouvrage collectif, Mestska a knihovna, Prague 1991

· The Illustrated Lives of the Great Composers : Dvořák par Neil Butterworth, Omnibus Press 1984

· Partition : Édition critique d'après le manuscrit de l'auteur et texte introductif de Jiří Berkovec, Statni Nakladatelstvi Krasne Literatury, Hudby a Umeni (SNKLHU), Prague 1960

Guide d'écoute

· "Le Chant du Héros" op. 111, Orchestre Philharmonique Tchèque, direction Bohumil Gregor, Supraphon 1987 (réf.: 11 0378-2 032 - retiré du catalogue en France)

· Poèmes symphoniques d'après K. J. Erben : Orchestre Philharmonique Tchèque, direction Zdeněk Chalabala, Supraphon 1961

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