Dvořák : Les Danses Slaves

Cliquez ici pour la nouvelle version

Idée des Danses Slaves

L'intérêt de Johannes Brahms pour Antonín Dvořák, son cadet de 8 ans, remonte aux années 1870, à l'époque où le compositeur allemand faisait partie d'un jury musical chargé d'attribuer une bourse d'état aux artistes pauvres mais doués. Brahms remarqua l'art prometteur du Tchèque et attira l'attention de Fritz Simrock, son éditeur attitré, sur cet artiste encore inconnu hors de Bohême.

Simrock suivit les recommandations de Brahms. Il n'eut pas à le regretter : rapidement, les compositions de Dvořák inscrites à son catalogue rencontrèrent un accueil très favorable en Allemagne.

L'éditeur pressentait que ses aptitudes mélodiques pouvaient être exploitées et donner matière à de nouveaux succès. En commerçant avisé, il suggéra à Dvořák de s'inspirer des Danses Hongroises de Brahms [1].

On comprend que Dvořák ait été séduit par cette proposition. Le compositeur tchèque avait jusqu'à présent montré d'excellentes dispositions dans les œuvres dansantes. Aux Polkas et autre Galop de ses premières années (1855 - 1861) s'étaient récemment ajoutées deux compositions pour piano : les Deux Menuets op. 58 et surtout un cycle de Danses écossaises (op. 41, 1877) s'inspirant du modèle beethovénien. Dvořák avait très tôt exprimé son goût pour les musiques populaires, qu'il avait fait entendre dès ses premières compositions « sérieuses », ses cycles de lieder, sa musique de chambre ou orchestrale (sérénades, symphonies [2]), ses opéras.

Mais ce qui a pu également séduire Dvořák est cette occasion unique de faire connaître la musique des Slaves de Bohême et d'ailleurs. Les Danses Hongroises ont eu du succès ? Dvořák relève le défi de montrer que les musiques slaves peuvent aussi séduire un large public.

Réaction à la musique "hongroise"

Au moment où Dvořák commence ses Danses Slaves, la musique "folklorisante hongroise" jouit d'une certaine renommée internationale : Josef Haydn, resté presque 30 ans au service des princes Esterházy, aimait écrire des épisodes alla zingarese dans sa musique. Franz Schubert s'inspire à plusieurs reprises du "folklore" hongrois. La Marche de Rakóczi suscite l'enthousiasme, que ce soit dans la Marche Hongroise d'Hector Berlioz [3] ou dans la quinzième des 19 Rhapsodies Hongroises de Ferenc Liszt, pièces parmi les plus populaires de leurs auteurs. Johannes Brahms lui-même incorpore des passages au caractère hongrois dans ses œuvres sérieuses de musique orchestrale ou de chambre.

Les compositeurs qui font danser la cour impériale autrichienne empruntent largement au "folklore" hongrois, ou tzigane : la distinction alors n'était pas claire. Les travaux ethnomusicaux de Béla Bartók et Zoltán Kodály du début du XXème siècle ont permis d'éclaircir la situation. Une véritable musique populaire hongroise existe. Elle se différencie d'une musique tzigane, qui plonge ses racines dans les origines orientales de ce peuple venu en Europe au XIVème siècle.

Les Tziganes ne sont ni des Magyars, ni des Latins, ni des Slaves. Ils cultivent traditionnellement l'art de l'interprétation musicale populaire et deviennent souvent des musiciens appréciés par les autres peuples, qui les sollicitent pour l'animation de leurs cérémonies [4] (mariages, banquets, bals...). Ce qu'on désignait fréquemment sous le terme de musique hongroise à l'époque romantique était en fait des musiques populaires composées par des amateurs, propagées par les Tziganes qui les interprétaient selon leurs traditions stylistiques [5].

Brahms prit le soin de préciser qu'il n'était qu'un arrangeur de Danses Hongroises. Le titre de ce recueil indique : Danses Hongroises arrangées par Johannes Brahms. Pour la même raison, le compositeur allemand refusa qu'un numéro d'opus leur soit donné.




Ode annotee par Dvorak

Ode annotée de la main de Dvořák.
Le compositeur a rayé « Hungary » et écrit à la place « Bohemia » ou « Čechy »



La tradition musicale slave

Il n'y a pas, en 1878, à l'époque de la suggestion de Simrock, de tradition de danses symphoniques tchèques, ni même slaves. Les éblouissantes danses que Bedřich Smetana a composées pour son opéra La Fiancée Vendue [6] (Prodana nevesta) font partie de l'intrigue scénique et ne constituent pas une œuvre indépendante.

Quant aux Polonaises et Mazurkas de Chopin, elles sont destinées au piano.

Dvořák a donc l'occasion de mettre, le premier, son savoir-faire de compositeur et d'orchestrateur au service des musiques populaires slaves. Il écrit deux séries de 8 danses chacune, datées de 1878 et de 1886.

Dans leur version symphonique, les Danses Slaves ne sont jamais vulgaires, reproche que l'on adresse fréquemment, à tort ou à raison [7], aux orchestrations des Danses Hongroises [8].

Dvořák n'a laissé à personne d'autre que lui le soin d'orchestrer ses Danses : il commença ce travail avant même d'avoir terminé la première série pour piano. En ex-musicien d'orchestre, il sait comment tirer la quintessence de ses éclatantes mélodies. L'art orchestral de Dvořák s'épanouit dans toute sa plénitude.

Vrai ou faux folklore ?

Dvořák était un re-créateur. Il assimilait l'esprit de musiques existantes pour créer de toutes pièces un faux folklore [9]. Ses Danses Slaves en sont l'un des meilleurs exemples. À l'opposé de Brahms, qui arrange dans sa première série - peut-être sans le savoir - des œuvres de musiciens populaires hongrois, ce qui lui a valu des accusations de plagiat [10], Dvořák compose des œuvres originales fortement caractérisées.

Il est intéressant de noter que dans sa seconde série de Danses Hongroises, Brahms a indiqué être l'auteur original de certaines d'entre elles, sans préciser lesquelles. Est-ce l'influence de Dvořák ? cette seconde série date de 1880, deux ans après l'édition des premières Danses Slaves.

La question slave

Les peuples slaves - ceux qui parlent une langue issue du slavon - étaient alors répartis entre les quatre empires qui se partageaient l'Europe centrale et orientale : le russe, l'ottoman, l'austro-hongrois et le IIème Reich allemand.

Le Printemps de peuples de 1848, avec les mouvements révolutionnaires des "minorités", marqua profondément l'Europe et laissa des frustrations durables. La seconde partie du XIXème siècle voit les revendications nationales se structurer en action politique et prendre de plus en plus d'ampleur [11].

À ce jeu les Hongrois furent particulièrement habiles : ils obtinrent de partager le pouvoir avec les Autrichiens, affaiblis par leur défaite à Sadowa [12], en 1866. Mais ils suscitèrent l'amertume des peuples restés opprimés ; d'autant plus que les adeptes des mouvements panslaves n'oublièrent pas que la Hongrie, par sa position géographique, séparait physiquement les Slaves du nord de leurs "frères" du sud.

L'année des premières Danses Slaves est aussi celle du Congrès de Berlin qui concrétise le recul de l'empire ottoman, confronté à l'alliance de neutralité bienveillante liant l'Allemagne, la Russie et l'Autriche-Hongrie. Cette dernière intervient militairement pour contrecarrer l'alliance des Slaves de Monténégro et de Serbie en 1878. Après s'être soulevée contre les Turcs, la Bulgarie est libérée cette même année par les Russes [13]. L'effervescence de la question slave trouve un écho dans l'art de Dvořák.

En réagissant au succès des musiques hongroises, Dvořák concilie son art et ses convictions politiques : il adresse avec sa musique un fraternel salut aux peuples slaves. Cela n'est pas pour nous surprendre : depuis longtemps, ses œuvres reflètent son militantisme - au grand dam de cet autre nationaliste, allemand bien entendu, qu'était son ami Brahms. Dans son troisième quatuor à cordes en ré majeur (B 18), Dvořák cite textuellement l'air révolutionnaire Hej, Slované ! [14]. Dans l'opéra Vanda le Polonais Slavoj (le bien nommé !) triomphe de l'Allemand Roderich. Dimitrij met en scène la succession de Boris Godounov et aborde, au travers de la légende, un sujet d'actualité brûlant : l'opposition entre les Russes et les Polonais [15]. Plus tard l'oratorio Svata Ludmila décrit la naissance mythologique des Slaves.

Peu de compositeurs ont, avant Dvořák, rendu un hommage aux Slaves d'ailleurs. Les seuls témoignages qui ont survécu jusqu'à nos jours sont la Fantaisie sur des thèmes serbes op.6 de Rimsky Korsakov, et l'Ouverture Tchèque [16] de Balakirev. Ces œuvres furent jouées le 12 mai 1867, au Concert Slave donné à l'occasion du rassemblement de représentants des pays slaves à Saint-Pétersbourg [17]. À cette courte liste on peut ajouter la seconde symphonie, dite « Ukrainienne » [18], de Piotr Illitch Tchaikovsky.

Les premières Danses Slaves (op. 46)

Les huit premières Danses Slaves sont réunies sous le numéro d'opus 46. La version piano à 4 mains, écrite de mars à mai 1878, porte le numéro de catalogue 78. L'orchestration occupa Dvořák d'avril à août de la même année.

Cette série est encadrée par deux furiants. Il s'agit d'une danse de Bohême réservée aux hommes, et par conséquent assez énergique ! Ce sont les seules danses de l'opus 46 à commencer par un fortissimo et à être menées presto.

La n.2 est une dumka, rêverie mélancolique inspirée de mélodies ukrainiennes. Son caractère dolent contraste agréablement avec la polka qui suit. Dans cette troisième danse, Dvořák se souvient probablement de la Fiancée Vendue de son aîné et modèle Smetana ! Rappelons que la polka est une danse tchèque à deux temps (le mot « polka » viendrait du tchèque « moitié » et n'a pas de rapport avec la Pologne voisine). Retour à un rythme ternaire avec la sousedska qui suit. Cette valse lente, d'une profonde noblesse, est la plus longue de cette première série, dont elle est le point médian. Elle évoque les dimanches de fêtes à la campagne - les temps heureux où l'on invite son voisin (soused en tchèque) à entrer dans la danse.

La cinquième danse donne des fourmis dans les jambes : il s'agit d'une skočna, danse sautante, au rythme évocateur. L'élégante polka qui vient ensuite est très différente de la troisième danse. Tout en retenue, l'écriture de cette sixième Danse Slave [19] joue sur la dynamique et non sur les changements de tempi, sauf dans ses dernières mesures. La septième danse est une nouvelle skočna (danse sautante), où l'on ne peut qu'apprécier l'admirable maîtrise du contrepoint et, dans la version symphonique, la beauté des combinaisons de timbres.

Si le premier furiant de la série était une éclatante introduction en ut majeur, la huitième et dernière danse de ce cycle serait presque dramatique avec son entrée dans le ton de sol mineur ! Cette pièce fougueuse et un rien courroucée rappelle l'énergie dont sont parfois capables les Tchèques sous le joug austro-hongrois.

S'agit-il de musique tchèque ou slave ? Seule la seconde danse - la dumka - n'est pas originaire de Bohême. Le nom de « Danses Slaves » est ici plutôt symbolique... La situation, comme on le verra, sera différente avec la seconde série.

Le succès de ce premier recueil fut tout aussi retentissant que celui des Danses Hongroises. Simrock avait vu juste ! Aussi l'éditeur et homme d'affaires se frottait déjà les mains des revenus que lui procureraient de nouvelles Danses Slaves...

Il harcelait Dvořák à ce sujet, l'incitant même à ne pas composer de grandes formes qui rapportaient moins d'argent. Si le compositeur avait cédé, nous n'aurions peut-être jamais connu l'extraordinaire septième symphonie en ré mineur.

Le Bohémien ne s'est pas laissé faire : « C'est diablement difficile d'écrire deux fois la même chose ! » [20]. Il attendait d'être dans les conditions requises pour composer de nouvelles danses.

Victime de son succès, Dvořák était sollicité pour des concerts, des soirées, des tournées. Brahms insistait pour le voir s'installer à Vienne. Cette tension, ce stress si redouté par le compositeur, étaient accentués par le fait que les grands noms du romantisme disparaissaient l'un après l'autre (les années 1880 voient la disparition de Liszt et Wagner). Dvořák était alors considéré, aux côtés de Verdi, Brahms et Tchaïkovski, comme l'un des plus grands musiciens en activité [21].

La seconde série de Danses Slaves (op. 72)

En 1886 Dvořák retrouve l'état d'esprit si attendu par son éditeur... et les mélomanes.

À la période d'incertitude pendant laquelle il compose des œuvres au caractère sombres (les Chemises de Noces, cantate dramatique ; le trio op. 65 ; la septième symphonie en ré mineur, etc.) succède une nouvelle période slave : voici venu le temps de l'oratorio Svata Ludmila, des Danses Slaves op. 72, du quintette op.81 ; bientôt viendront l'opéra Jakobin, le second quatuor avec piano et la huitième symphonie en sol majeur.

Dvořák a approfondi son style. Il compose en l'espace d'un mois seulement (rappelons que la première série l'avait occupé presque 3 fois plus longtemps) une nouvelle série de 8 danses, plus nuancées et expressives que celles de l'opus 46.

Dans la première danse de l'opus 72 - ou, plus simplement, la neuvième danse slave [22] - Dvořák alterne un odzemek [23] slovaque avec une ronde russe. Dès l'entrée la différence avec les premières Danses Slaves se fait entendre. L'art du compositeur est plus mature, plus réfléchi. Cette danse, comme celles qui vont suivre, est plus exigeante envers l'auditeur. C'est la première fois que les musiques de deux peuples slaves sont utilisées au sein d'une même pièce : ce procédé sera utilisé à plusieurs reprises dans l'opus 72.

C'est le cas dans la danse suivante (n.10), une mazurka traversée d'échos de dumka ukrainienne. Dvořák sait faire languir son public : cette pièce très lyrique - l'une des plus remarquables du cycle - ne cède jamais à l'effervescence attendue.

Si la dixième danse a des allures de berceuse, la skočna suivante nous réveille ! Nous sommes de nouveau emportés dans un tourbillon de mélodies irrésistibles et contrastées. L'inspiration de la mazurka polonaise se fait entendre dans la douzième danse, de structure lent - vif - lent. Si la partie centrale est animée et optimiste, le thème initial des épisodes extrêmes, de caractère pastoral, s'amplifie jusqu'à atteindre une solennité surprenante, presque dramatique.

Ce sont des thèmes tchèques puissamment rythmés qui forment le matériau de la treizième danse, aux allures de marche. Le contraste est total avec les élégantes variations sur un rythme de polonaise de la quatorzième pièce. La quinzième danse rend enfin un hommage aux Slaves du sud. Ce brillant kolo (ronde) serbe [24] retrouve les éclats endiablés de l'opus 46.

Mais la seizième des Danses Slaves, la dernière de la seconde série et de tout le cycle, est une immense surprise.

Dvořák refuse la facilité de terminer son recueil par une pièce spectaculaire. Cette ultime sousedka offre le regard apaisé et philosophe d'un homme proche de la cinquantaine.

Par cette longue pièce délicate et douce-amère, le musicien de Bohême évoque sa jeunesse dans la campagne baignée par la Vltava, les bals du dimanche qu'il a autrefois connus et animés, cette période regrettée où tout le village fêtait dignement et en simplicité la joie d'être ensemble.

Cette musique nous parle du temps qui s'écoule, des proches disparus, de la jeunesse à tout jamais enfuie.

Beaucoup regrettèrent que cette rêverie teintée de nostalgie termine la série. Des chefs d'orchestre de la stature de Václav Talich et Karel � ejna ont au contraire défendu les intentions de Dvořák et mis en exergue l'intelligence de son approche [25].

Dvořák sait qu'il touche à l'achèvement d'un cycle personnel. Avec cette ultime Danse du Voisin, il prend définitivement congé de ce genre auquel il ne reviendra jamais plus [26].

Renaissance culturelle

On peut mesurer à quel point les Danses Slaves diffèrent de la musique légère des contemporains de Dvořák. Quelle distance avec les innombrables valses, galops et polkas de la dynastie des Strauss ! et quelle différence aussi avec les Danses Hongroises. Brahms jouait sur les ruptures de rythme, les syncopes alla zingarese, leur bonne humeur assumée. La composition de Dvořák est tout sauf un plagiat. Il a recréé un folklore imaginaire, un univers unique et personnel qui transcende le simple cadre de la danse.

Le terme de cycle n'est pas innocent. Ces 16 pièces forment un tout cohérent, à rapprocher en cela de ma Vlást de Smetana. Ces deux cycles, de durée sensiblement égale, représentent un sommet de la tradition symphonique des pays de Bohême.

Les Tchèques reconnaissent depuis longtemps la qualité exceptionnelle de leurs musiciens. Si vous avez la chance d'aller à Prague, sur la place de la république (namesti Republiky) vous remarquerez certainement la belle salle de concert où joue l'orchestre symphonique FOK. Portez votre regard sur le fronton art nouveau ; vous y verrez deux groupes de jeunes femmes dévêtues. Le premier représente ma Vlást ; les belles nymphes du second groupe symbolisent les Danses Slaves.

Ces deux œuvres ont, en leur temps, concrétisé le renouveau de la pensée nationale et affirmé le génie artistique tchèque, sur le continent et au-delà. Elles ont résonné à bien des occasions au cours de l'histoire de ce peuple au XXème siècle. Et elles continuent de représenter, encore de nos jours, le symbole d'une renaissance culturelle que l'on pouvait craindre à tout jamais éteinte.

Alain Chotil-Fani, septembre 2003

Pour en savoir plus...

Par les auteurs de ce site, un livre sur Antonín Dvořák : Un musicien par-delà les Frontières (éditions Buchet-Chastel).

Notes

[1] Fritz Simrock n'a pas laissé passer la chance d'éditer les Danses Hongroises arrangées pour piano à quatre mains de Johannes Brahms, contrairement à d'autres éditeurs tel János Dunkl de Budapest qui les avait refusées - et qui a dû s'en mordre le doigts... Ces 10 danses, que Brahms a rapidement arrangé pour piano à 2 mains et en partie orchestré ont rencontré un succès immédiat. Elles furent complétées par de nouveaux cahiers, portant à 21 leur nombre. Retour au texte

[2] À l'époque des première Danses Slaves, Dvořák avait composé 5 symphonies. Seule la troisième est dépourvue de scherzo. La Sérénade pour Vents op. 44 est terminée exactement deux mois avant le début de la composition des Danses SlavesRetour au texte

[3] Cette pièce martiale (1846) a été placée par Berlioz dans la première partie de son opéra La Damnation de Faust, au prix de quelques libertés avec l'histoire originale. Le succès de cette marche peut trouver des explications extra-musicales : Rakóczi était un héros de la lutte de l'indépendance hongroise contre les Autrichiens. Rappelons que cette marche apparaît dans l'Ouverture pour une Fête Académique (1880) de Brahms, et que Johann Strauss fils la cite dans l'exubérant - et très nationaliste - final du IIème acte du Baron Tzigane (1884). Retour au texte

[4] c'est encore le cas de nos jours dans plusieurs régions d'Europe Centrale et balkanique, malgré les problèmes de coexistence qui restent vifs. Retour au texte

[5] "La plupart des mélodies employées par Liszt et Brahms sont des mélodies d'amateurs. L'erreur de Liszt dans son ouvrage Des Bohémiens est plus étrange : il croit que les mélodies jouées par les Tziganes et employées dans ses œuvres sont aussi le produit propre de Tziganes. (...) Il est tout à fait manifeste que les mélodies employées dans les Rhapsodies Hongroises de Liszt et dans les Danses Hongroises de Brahms ne sont pas des produits tziganes, mais des mélodies d'amateurs populaires ; dans la plupart des cas, nous connaissons encore le nom de leurs auteurs, dilettantes cultivés." (Béla Bartók, 1921) Retour au texte

[6] Quand Smetana dirige la première de la Fiancée Vendue, le 30 mai 1866, Dvořák tenait son pupitre d'alto dans l'orchestre. Retour au texte

[7] l'auteur de ces lignes tient à préciser qu'il écoute avec un immense plaisir les Danses Hongroises orchestrées ! Retour au texte

[8] il faut rappeler que Brahms n'a orchestré en tout et pour tout que 3 de ces Danses (les n. 1, 3 et 10, en 1874). Simrock, toujours aussi rusé, demanda à Dvořák en personne d'assurer l'orchestration du dernier cahier (17 à 21) des Danses Hongroises ! Le Tchèque demanda l'autorisation de Brahms avant de se mettre à cette tâche - qu'il boucla en une semaine (du 29 octobre au 6 novembre 1880). Retour au texte

[9] Selon l'expression employée par Béla Bartók en 1920. Retour au texte

[10] Ces Danses Hongroises valurent à Brahms l'inimitié de quelques nationalistes magyars. Au premier rang, le violoniste Eduard Reményi, qui l'accusa de plagiat. De fait, Brahms s'est certainement souvenu des bis virtuoses de son ex-ami, qui reprenait des succès composés par des artistes tels que Sarközy, Béla Keler, J. Franck, etc. Cette polémique reflète la tension qui existait entre les nationalistes hongrois et les Allemands. Elle était accentuée par l'opposition entre les tenants de la "nouvelle musique", autour de Ferenc Liszt (Reményi en faisait partie) et les adeptes de la "tradition" incarnée par Brahms.
En 1897 (année de la mort de Brahms) Fritz Simrock fit paraître un article intitulé Défense des Danses HongroisesRetour au texte

[11] Comme on le sait, le jeu des alliances et les dissensions internes dégénérèrent en conflit mondial, qui fut surtout européen. Aucun des quatre empires cités ne survécu durablement à ce conflit. Retour au texte

[12] Le lieu de la bataille est proche de la ville de Hradec Kralové, en Bohême-Orientale. Retour au texte

[13] L'armée russe était appuyée par des renforts roumains. La Bulgarie autonome voit le jour le 3 mars 1878 (traité de San Stefano), mais perd une partie de son territoire au Congrès de Berlin (juillet 1878). Retour au texte

[14] "Debout, Slaves !" Cette musique révolutionnaire était interdite par le pouvoir autrichien. Plus tard, elle sera reprise dans les hymnes nationaux de Pologne et de Yougoslavie. Retour au texte

[15] L'action de l'opéra Dimitrij a lieu au début du XVIème siècle. Cependant, le conflit entre ces deux nations slaves, de confessions différentes, était une épineuse question d'actualité. L'armée russe a écrasé les insurrections polonaises en 1830 et en 1863 (Dvořák avait 22 ans). Retour au texte

[16] Aussi connue sous le nom de En Bohême. Balakirev composa cette ouverture quand il séjournait à Prague pour diriger Rousslan et Ludmila et Une vie pour le tzar, opéras de Mikhaïl Ivanovitch Glinka (1804-1857), en février 1867. Dvořák était dans l'orchestre. Retour au texte

[17] La Bohême était représentée par František Palacky (1798 - 1876), František Ladislav Rieger (1818 - 1903), Jul. Grég notamment. Retour au texte

[18] Aussi intitulée "Petite Russienne" (l'Ukraine étant la "Petite Russie") Retour au texte

[19] On peut noter une certaine ressemblance (volontaire ?) avec la troisième Danse Hongroise de Brahms dans le tutti orchestral. Retour au texte

[20] « Zweimal etwas gleiches zu machen ist verdammt schwer ! » Lettre de Dvořák à Simrock, 1er janvier 1886. Retour au texte

[21] Extrait d'une lettre de Hans Von Bülow, pianiste et chef d'orchestre, à Dvořák : « Très honoré maître ! Une dédicace de vous, qui êtes, à côté de Brahms, le musicien le mieux doué du temps présent, c'est un témoignage d'une signification plus haute qu'une décoration donnée par un prince. » (25 novembre 1887). Retour au texte

[22] En poursuivant la numérotation à la suite de la huitième et dernière de la première série. Retour au texte

[23] Danse terrienne (étymologie équivalente au Landler autrichien). Retour au texte

[24] Dvořák avait déjà rendu un hommage aux Slaves du Sud en 1872, dans ses Quatre Chansons sur des poésies populaires serbes (op. 6). On peut aussi mentionner la position anti-ottomane du compositeur dans ses trois Chants de la Grèce Moderne op. 50 (1878). Retour au texte

[25] Georges Enesco reprendra ce procédé en faisant suivre sa très brillante première rhapsodie roumaine d'une seconde méditative et philosophe. Quand les deux rhapsodies sont données au cours du même concert, la coutume cependant est de terminer par la première pour mieux susciter l'enthousiasme du public. Enesco lui-même, malgré son intransigeance, avait dû se résoudre à cette concession. Retour au texte

[26] Il arrangera pour violoncelle et piano deux danses de l'opus 46 (1891). Retour au texte

Bibliographie

  • BARTÓK, Béla, « La Musique Hongroise », La revue musicale, Paris, deuxième année, n. 1 (11/01/1921), p.8
  • BAUDE, Éric, CHOTIL-FANI, Alain, « Dvořák : une esquisse biographique », Rusalka, Paris, L'Avant-Scène Opéra, 205 (2001), pp. 58 - 63.
  • BAUDE, Éric, CHOTIL-FANI, Alain, site internet http://musicabohemica.org, mise à jour de septembre 2003
  • BECKERMANN, Michael B., New Worlds of Dvořák, New-York, W. W Norton & Company Ltd., 2003-09-19
  • BERTON, Jean-Claude, La Musique tchèque, Paris, Presses Universitaires de France, 1982
  • BURGHAUSER, Jarmil, Thematicky katalog, Prague, Bärenreiter Editio Supraphon, 1996
  • HOLZKNECHT, Václav, Antonín Dvořák, Prague, Editions Orbis, 1977
  • LISCHKE, André, « Antonín Dvořák », Guide de la Musique symphonique, Fayard, 1996
  • LISCHKE, André, « Mily Balakirev », Guide de la Musique symphonique, Fayard, 1996
  • LISCHKE, André, « Nikolai Andreievitch Rimski-Korsakov », Guide de la Musique symphonique, Fayard, 1996
  • LORD, Mario, article publié sur l'internet à l'adresse http://www.analekta.com/site/cat.f/fl_2_3010.html, pas d'année indiquée
  • PILKA, Jiří, notice du CD Dvořák - Slavonic Dances, Czech Philharmonic Orchestra, Václav Talich, Supraphon CrystalCollection 11 0647-2, Prague, 1988
  • VÍTEK, Bohuslav, notice du CD Dvořák - Slavonic Dances, Prague Symphony Orchestra, Petr Altrichter, Supraphon 3286-2 031, Prague, 1997
  • Retour vers le chapitre Dvořák  |   Accueil du site