Le concerto pour hautbois et petit orchestre a été composé au printemps de l'année 1955, aux mois d'avril et de mai, lors d'un séjour de Bohuslav Martinů à Nice. Il est dédié à son commanditaire, le hautboïste tchèque Jiří Tancibudek, émigré en Australie.
Hautbois solo.
Accompagnement orchestral : 2 flûtes, 2 clarinettes, basson, 2 cors, trompette, piano et cordes.
Durée : +/- 17 minutes
Le concerto est en 3 mouvements : moderato, poco andante, poco allegro.
Le manuscrit du concerto est conservé à la Fondation Paul Sacher (Bâle, Suisse). Paul Sacher (1906 - 1999) était chef d'orchestre et ami du compositeur tchèque.
35 pages + une page de titre.
L'uvre porte le numéro H 353 du catalogue des uvres de Martinů.
Editions :
Le concerto pour hautbois a été créé par son dédicataire Jiří Tancibudek, à Melbourne en Australie, en août 1956. La première européenne a eu lieu à Hambourg en mars 1958, toujours par Jiří Tancibudek. La première tchèque eut lieu à Brno (capitale de la Moravie du Sud, République Tchèque), le 23 mai 1960 avec en soliste František Hanták et l'Orchestre de la Philharmonie Tchèque sous la direction de Jaroslav Vogel.
Lorsque Bohuslav Martinů compose son concerto pour hautbois à la demande de son compatriote et hautboïste tchèque Jiří Tancibudek, il séjourne en compagnie de sa femme Charlotte sur la Côte d'Azur, à Nice. C'est un vrai bonheur pour lui que d'être rentré en Europe après son séjour aux Etats-Unis (il y avait acquis la nationalité américaine, ce qui ne sera pas sans lui poser quelques problèmes !). Il traverse une des périodes les plus heureuses de sa vie, tout en ne pouvant s'empêcher malgré tout de penser à la Bohème et à sa Vysočina (1) natale.
Bohuslav Martinů gardera durant toute son existence, même en France et malgré le fait d'avoir épousé une Française, un sentiment de déracinement. La situation politique de la République Tchécoslovaque pendant ces annèes de Guerre froide et les difficultés croissantes qu'il rencontrera pour retourner dans son pays et revoir sa famille renforceront ce sentiment d'exil.
La maison où ils résident est située au numéro 17 du boulevard du Mont-Boron sur la route de Villefranche. Elle appartient à l'écrivain Victorien Sardou. La villa domine au sommet des falaises la mer et le golfe de Nice. La vue magnifique s'étend jusqu'aux Préalpes : Martinů appelle cet endroit "mon isba de Beau Site". Nice et sa région prennent une grande place dans la vie et l'oeuvre du compositeur. Même s'il n'a que peu de moyens, il fréquente les bouquinistes et les antiquaires par passion pour les livres. Ce sont ses meilleurs amis. Martinů se lève et se met au travail tôt le matin, s'interrompt pour aller se promener, s'habille comme un campagnard. Les autres hôtes de la villa le considèrent comme un homme d'une grande et d'une intacte simplicité, certes peu bavard, distrait mais toujours aimable et le visage souriant.
Il commence à écrire son concerto sur la terrasse au début du printemps de l'année 1955. L'oeuvre exprime un profond sentiment de modestie et d'humilité, comme si Martinů voulait rappeler la fragilité et la brièveté de la condition humaine, se rapprochant de l'attitude de Joseph Haydn qu'il admirait profondément.
La musique appelle un sentiment de délivrance, de tranquillité et de joyeuse sérénité. L'accompagnement orchestral est volontairement réduit. La partie instrumentale soliste parcourt le registre du hautbois sur pratiquement toute sa tessiture, du grave jusqu'au solb suraigu. Elle demande de la part du soliste une gestion attentive du phrasé et de la respiration, ainsi qu'une bonne maîtrise technique au service de la musicalité. L'instrument soliste ne se repose que pendant de courtes périodes durant toute l'oeuvre.
Le concerto commence par une relativement longue introduction de l'orchestre puis, après une entrée pastorale du hautbois, le mouvement prend progressivement un caractère plus dansé et marqué rythmiquement, certains passages rappelant l'influence du jazz dans la musique de Martinů. Le deuxième mouvement (de loin le plus long des trois) avec ses longues cadences, est proche d'un post-impressionnisme français lyrique. Une première phrase exposée par les cordes accompagnées du piano se conclut en prélude à l'entrée du hautbois par un splendide solo de cor qui réintervient avant une nouvelle cadence de l'instrument soliste et renforce l'ambiance pastorale automnale, mélancolique voire nostalgique de ce mouvement. Le poco allegro final appartient à l'univers des danses débridées de Bohême et de Moravie, source d'inspiration inépuisable par sa diversité et rattachant Martinů à la même tradition que celle régénérée par ses prédécesseurs Smetana, Dvořák, Janáček, Suk, Fibich, Novák...
On ne peut s'empêcher, pour mieux éclairer la genèse et comprendre intimement le caractère de l'oeuvre, de citer Martinů lui-même et quelques unes de ses réflexions et souvenirs : « Je repense souvent à l'immense influence qu'eut sur mon travail de compositeur ma vie dans la tour de l'église de Polička, mon village natal... (Polička se situe à l'est de Prague, proche de Litomyšl, ville natale de Smetana, dans un paysage doucement vallonné de prairies et de bois. Son père y exerçait l'étonnant métier de veilleur contre les incendies et autres catastrophes. Pour cette raison, il habitait avec sa famille en haut de la tour de l'église de Polička, au dessus des cloches, à plus de 20 mètres de la terre ferme...)
Bien des paysages vus de là-haut restent gravés dans ma mémoire... J'étais alors isolé du reste du monde, comme dans un phare, et ma seule distraction consistait à détailler systématiquement le paysage, à l'apprendre par cur. Par un côté, on apercevait un étang, de l'autre des cimetières et des villages au loin ; au nord, une immense plaine désertique, et au premier plan, la ville elle-même toute en miniature avec de petites maisonnettes et de petits êtres humains, et très haut, au-dessus de tout cela, l'espace infini. Je crois que l'immensité du monde est la sensation la plus puissante qui ait marqué mon enfance au plus profond de mon âme. C'est l'expérience dont je suis clairement conscient, et qui fut d'une importance significative pour mon travail de compositeur. C'est l'espace qui me fascinait et que je tentais d'exprimer avec des sons dans mes compositions. L'espace et la nature, et non les hommes...On ne peut oublier de telles expériences ! Je pense que les souvenirs de jeunesse, qui sont restés, pour moi comme pour quiconque, gravés plus ou moins profondément dans la mémoire, ont une grande influence sur mon oeuvre... Je vivais enfant, isolé du reste du monde, entouré de ces visions d'espace qui, bien que n'étant pas des événements, au sens propre du terme, étaient devenues primordiales pour moi. Ceci explique pourquoi je vois tout autrement et pourquoi mon expression, mon style musical, sont différents de ceux auxquels nous sommes habitués. »
Éric Baude, Tours, le 30 mars 2002, révision juin 2002
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Tel : 00 420 2 57 31 31 04, fax : 00 420 2 57 32 00 76
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site de l'Institut Bohuslav Martinů : www.martinu.cz
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