Couvent des Augustins

Les liens entre Leoš Janáček et le Couvent des Augustins, appelé aussi Monastère de la Reine ou tout simplement Couvent du Vieux Brno remontent à l'enfance du compositeur.

Au milieu du XIXème siècle, dans les villages de Moravie comme dans la plupart des autres pays, dans les familles pauvres, la charge d'enfants atteignait souvent la dizaine par famille. Le couple Janáček qui, en 1854, habitait dans la modeste école du très modeste village nommé Hukvaldy, ne faisait pas exception à cette règle démographique. En cette année, un petit garçon naquit prénommé Leoš, le neuvième de cette famille. Quatre autres frères et soeurs s'ajoutèrent à la fratrie déjà existante. Le salaire de kantor villageois, instituteur - maître de musique, que touchait Jiří, le père de Leoš, suffisait difficilement à faire vivre la famille.

Comme le petit Leoš montrait un goût évident pour les études et la musique, et également pour soulager les charges de sa famille, son père profita d'une bourse d'étude pour le placer en 1865, au Couvent des Augustins, à Brno, la grande ville de Moravie à des lieues du petit village d'Hukvaldy.

Heureuse et malheureuse situation ! Malheureuse dans le sens où le petit Leoš, arraché à une famille, à un environnement protecteur et riche culturellement, se trouva plongé à l'âge de onze ans, dans un monde inconnu, sans mère, sans appui affectif, dans la solitude d'une vie de pensionnaire. Heureuse pour un autre penchant. Cette bourse soulageait la famille de Leoš qui voyait ainsi son jeune garçon bénéficier d'études sans que que ses parents et le reste de la famille en pâtissent. Heureuse également dans une pratique quotidienne de la musique, certes religieuse, mais que Pavel Kryzkowsky, le moine responsable des études musicales savait ouvrir à d'autres horizons. En particulier la musique chorale que Janáček dirigera longtemps et dont sa production personnelle témoignera plus tard (les choeurs Marycka Magdonova, Kantor Halfar, Vlci Stopa, Potulny silenec, entres autres).

La fréquentation de ce lieu dura quatre ans. À la fin de ses études, Leoš s'orienta tout naturellement vers une formation d'enseignant qu'il effectua à l'Institut pédagogique.

On aurait pu penser que Janáček s'éloignerait rapidement de ce lieu pour oublier au plus vite les jours douloureux de son enfance et de son adolescence. Or cette institution lui offrit au contraire une nouvelle chance. Un certain nombre de fois, il tint l'orgue au cours de messes dominicales et ses improvisations retinrent l'attention des fidèles. En 1872, à l'âge de dix-huit ans, marque de confiance de la part de ses pairs et de ses supérieurs, on lui confia la direction du choeur du Monastère, d'abord à titre temporaire, ensuite de manière permanente. Il dirigea un répertoire assez considérable consacré aux grands maîtres du passé : Palestrina, Roland de Lassus ainsi qu'aux compositeurs tchèques contemporains, Pavel Kryzkowsky, son maître, Josef Foerster, le père de Josef Bohuslav Foerster, un ami de Gustav Mahler, et František Skuhersky qu'il retrouvera à l'École d'Orgue de Prague en 1874 et 1875. Il mit fin à la direction de ce choeur en 1888 ou 1891.

Pendant près de trente ans, des fenêtres ou de la porte de son appartement, les bâtiments massifs du Couvent des Augustins et la silhouette de l'église fermaient la vue sur le paysage urbain.

Place Mendel
Vue aérienne de la place Mendel actuellement
avec les bâtiments du monastère des Augustins (flèche) et l'église

Ce couvent tint une place dans les jours tragiques de l'hiver 1903. La cérémonie religieuse des obsèques de sa chère fille, Olga, se déroula dans l'église qu'il avait tant fréquentée dans son enfance.

Et lorsque la mort frappa Janáček à l'âge de 74 ans, lorsque sa dépouille fut ramenée à Brno, le cercueil fut exposé dans une chapelle du Couvent des Augustins où ses compatriotes purent venir lui rendre un dernier hommage.

Quels rapports le Couvent entretint-il avec la production musicale de Janáček ? Cette vie difficile d'enfant solitaire dans le monastère, on peut en retrouver curieusement des traces dans trois oeuvres. Tout d'abord dans la cantate Amarus écrite en 1897. Beaucoup plus tard, d lorsque les plaies de cette vie se furent estompées sinon effacées, Janáček composa une Marche des Gorges-Bleues en 1923 dont il reprit le thème dans le troisième mouvement de son sextuor à vents, Mladi (Jeunesse), où il évoqua les défilés des petits pensionnaires, tous vêtus de manière identique, portant un uniforme bleu et où passaient également les soldats autrichiens dont la garnison, au Spilberk, dominait la ville et le Couvent. Troisième oeuvre, la fameuse Sinfonietta en cinq parties. Il faut avoir lu les écrits du compositeur où il la présente dédiée à sa ville et dont la troisième partie consacrait ce fameux couvent pour découvrir ce lien. Comme il ne s'agit pas de musique descriptive, rien ne permet d'imaginer la destination de ce mouvement sinon le caractère plus nostalgique de cette pièce par rapport aux quatre autres.

Joseph Colomb - mai 2004

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