Dvořák et la France : récit d'une découverte (1)

Fin 2003. Pour la première fois de ma vie, je pousse les portes de la Bibliothèque Nationale. Mon but ? Lire ce que les journaux français de la fin du XIXème siècle écrivaient au sujet d'Antonín Dvořák. Ce travail documentaire,  sans arrières-pensées autres que de confirmer des choses connues sur ce compositeur, ne devait durer que quelques jours. C'était sans compter sur l'ampleur des découvertes qui m'attendaient.

Je concentre mes première recherches autour de la période américaine qui a vu naître la Symphonie du Nouveau Monde. J'ai déjà une idée assez claire de ce que je vais trouver : des articles condescendants, des éditoriaux hostiles, des gros titres que je compte bien reproduire pour illustrer ce site.

Très rapidement je dois déchanter. Il y a certes de gros titres, mais pas sur Dvořák. Les journaux d'alors parlent de compositeurs aujourd'hui complètement méconnus, sauf peut-être de quelques érudits. Et partout, un nom revient : Wagner, Wagner, Wagner, discuté à n'en plus finir, à travers des articles s'étalant sur plusieurs numéros, souvent en termes admiratifs. Je n'en crois pas mes yeux ! Il y a tout de même quelques allusions aux oeuvres de Dvořák, mais elles se trouvent au fin fond des brèves musicales. Et c'est écrit en tout petits caractères. Donc, j'avais tort. Aucun gros titre goguenard sur la Symphonie du Nouveau Monde. La recherche s'annonce longue, difficile et, peut-être, en définitive, infructueuse.

Je décide d'écumer méthodiquement la presse, année par année, journal par journal, relevant çà et là des informations éparses sur Dvořák, la Bohême ou d'autres sujets connexes, dont je pense qu'elles appartiennent peut-être à une logique qui n'apparaîtra qu'avec le progrès de la collecte. Aussi je décide de noter un grand nombre d'informations et de références, tout sur Dvořák et les compositeurs tchèques bien évidemment, mais aussi sur la musique américaine, les écoles nationales, l'actualité des interprètes ayant un lien avec Dvořák, comme Charles Lamoureux ou Henri Marteau. Ce travail m'occupe régulièrement, au rythme d'une à deux journées de recherche par semaine, pendant plusieurs mois.

Je me trouve en définitive avec une somme impressionnante : bout à bout, le contenu des brèves et articles recopiés représente une centaine de pages au format A4 ! Ce que j'ai collecté me force à remettre en question les préjugés que j'avais sur la façon dont Dvořák était apprécié par mes compatriotes du XIXème siècle. Et surtout, j'ai noté quelques informations à ma connaissance totalement inédites - et du plus grand intérêt. Ainsi, tout le monde semble avoir oublié que la ville de Paris a très officiellement remis une médaille d'or à Antonín Dvořák, quelques jours seulement avant sa disparition. Cet événement majeur n'a été repris, à ma connaissance, dans aucune biographie.

La rédaction d'un article me permet de synthétiser ce matériel et de le rendre sous une forme présentable, c'est du moins ce que j'espère, étant totalement novice en la matière. J'avoue que je compte surtout sur la valeur des informations récoltées pour emporter l'adhésion des connaisseurs. Et quels meilleurs connaisseurs que les musicologues pragois ? J'emporte mon article tout neuf dans mes bagages quand je fais le voyage du centenaire, à Prague en mai 2004. J'ai comme objectif d'en savoir plus sur cette médaille oubliée depuis exactement un siècle. Et ainsi que je l'ai relaté dans mon voyage musical de mai 2004, je ne parviens pas à entrevoir la directrice du Musée Dvořák, à qui je comptais présenter mon travail. Cette contrariété gâche un peu mon séjour. Je laisse l'article à son adjoint avant de rentrer en France.

Une bonne nouvelle m'attend à mon retour : une invitation très officielle de la Sorbonne à venir exposer mon étude sur Dvořák et la France au Colloque International Dvořák de novembre 2004. Quel honneur redoutable !

Je ne décrirai pas ici le déroulement de ce colloque, cela sera sans doute l'occasion d'un autre article. Je dirai simplement qu'une fois ma présentation terminée, j'ai le plaisir de voir s'approcher une charmante dame qui tient visiblement à me dire quelque chose. Elle se présente : c'est la directrice du Musée Dvořák. Elle m'apprend que grâce à l'article que j'ai laissé à son adjoint, ils ont appris l'existence de la médaille d'or, l'ont longuement recherchée  et enfin exhumée d'archives oubliées. Elle est, désormais, exposée en bonne place... Mon voyage aura donc servi à quelque chose !

Courant 2005, je poursuis mes recherches et mets à jours de nouvelles informations palpitantes. Ce travail parvient même à retenir l'attention d'un éditeur. Peut-être, dans quelques mois, cette étude sera-t-elle en librairie ?

Dans cette attente, en ce début du mois de septembre, je mets les dernières retouches à une synthèse de la toute dernière version de Dvořák et la France. En effet, dans quelques jours j'aurai l'honneur de faire une lecture à Nelahozeves, village natal du compositeur - et cette fois-ci, c'est la directrice du Musée Dvořák qui m'invite.

J'étais bien loin de me douter que ces recherches, commencées dans une parfaite insouciance il y aura bientôt deux années, parviendraient à susciter un tel intérêt... Aujourd'hui je serais très honoré de pouvoir favoriser une meilleure connaissance de cet extraordinaire compositeur. Mais l'essentiel est devant moi : il passe par une épreuve du feu devant un public de connaisseurs, au coeur même de sa terre natale...

La suite des événements est relatée dans le premier lien ci-dessous.

Alain Chotil-Fani, 3 septembre 2005

 
Dvořák et la France : récit d'une découverte (2) | Retour au chapitre Dvořák | Accueil du site