Je concentre mes première recherches autour de la période américaine qui a vu naître la Symphonie du Nouveau Monde. J'ai déjà une idée assez claire de ce que je vais trouver : des articles condescendants, des éditoriaux hostiles, des gros titres que je compte bien reproduire pour illustrer ce site.
Très rapidement je dois déchanter. Il y a certes de gros titres, mais pas sur Dvořák. Les journaux d'alors parlent de compositeurs aujourd'hui complètement méconnus, sauf peut-être de quelques érudits. Et partout, un nom revient : Wagner, Wagner, Wagner, discuté à n'en plus finir, à travers des articles s'étalant sur plusieurs numéros, souvent en termes admiratifs. Je n'en crois pas mes yeux ! Il y a tout de même quelques allusions aux oeuvres de Dvořák, mais elles se trouvent au fin fond des brèves musicales. Et c'est écrit en tout petits caractères. Donc, j'avais tort. Aucun gros titre goguenard sur la Symphonie du Nouveau Monde. La recherche s'annonce longue, difficile et, peut-être, en définitive, infructueuse.
Je décide
d'écumer méthodiquement la presse, année par
année, journal par journal, relevant
çà et
là des informations éparses sur Dvořák, la
Bohême
ou d'autres sujets connexes, dont je pense qu'elles appartiennent
peut-être à une logique qui n'apparaîtra
qu'avec le
progrès de la collecte. Aussi je décide de noter un grand
nombre d'informations et de références, tout sur
Dvořák et les compositeurs tchèques bien
évidemment, mais aussi sur la musique américaine, les
écoles nationales, l'actualité des interprètes
ayant un lien avec Dvořák, comme Charles Lamoureux ou Henri
Marteau. Ce travail m'occupe régulièrement, au rythme
d'une à deux journées de recherche par semaine, pendant
plusieurs mois.
Je me
trouve en définitive avec une somme
impressionnante : bout à bout, le contenu des
brèves et
articles recopiés représente une centaine
de pages
au format A4 ! Ce que j'ai collecté me force à
remettre
en question les préjugés que j'avais sur la
façon
dont Dvořák était apprécié par mes
compatriotes du
XIXème siècle. Et surtout, j'ai noté
quelques
informations à ma connaissance totalement
inédites - et
du plus grand intérêt. Ainsi, tout le monde semble
avoir
oublié que la ville de Paris a très
officiellement remis
une médaille d'or
à Antonín Dvořák, quelques
jours
seulement avant sa disparition. Cet événement majeur n'a
été repris, à ma connaissance, dans aucune
biographie.
La rédaction d'un
article me permet de synthétiser ce matériel et de le
rendre sous
une forme présentable, c'est du moins ce que
j'espère,
étant totalement novice en la matière. J'avoue que je
compte
surtout sur la valeur des informations récoltées
pour
emporter l'adhésion des connaisseurs. Et quels meilleurs
connaisseurs
que les musicologues pragois ?
J'emporte mon article tout neuf dans mes bagages quand je fais le
voyage du centenaire, à Prague en mai 2004. J'ai comme objectif
d'en savoir plus sur cette médaille oubliée depuis
exactement un siècle. Et ainsi que je
l'ai
relaté dans mon voyage musical de mai
2004, je ne parviens pas à entrevoir la
directrice
du Musée Dvořák, à qui je comptais
présenter mon
travail. Cette contrariété gâche un peu mon
séjour. Je laisse l'article à son adjoint avant de
rentrer en France.
Une bonne nouvelle m'attend à mon retour : une invitation
très officielle de la Sorbonne
à venir exposer mon étude sur Dvořák et la France
au Colloque
International
Dvořák de novembre 2004. Quel honneur redoutable !
Je ne décrirai pas ici le déroulement de ce colloque,
cela sera sans doute l'occasion d'un autre article. Je dirai simplement
qu'une fois ma présentation terminée, j'ai le plaisir de
voir s'approcher une charmante dame qui tient visiblement à me
dire quelque chose. Elle se présente : c'est la directrice du
Musée Dvořák. Elle m'apprend que grâce à
l'article que j'ai laissé à son adjoint, ils ont appris
l'existence de la médaille d'or, l'ont longuement
recherchée et enfin exhumée d'archives
oubliées. Elle est, désormais, exposée en bonne
place... Mon voyage aura donc servi à quelque chose !
Courant 2005, je poursuis mes recherches et mets à jours de
nouvelles informations palpitantes. Ce travail parvient même
à retenir l'attention d'un éditeur. Peut-être, dans
quelques mois, cette étude sera-t-elle en librairie ?
Dans cette attente, en ce début du mois de septembre, je mets
les dernières retouches à une synthèse de la toute
dernière version de Dvořák et la France. En effet, dans
quelques jours j'aurai l'honneur de faire une lecture à
Nelahozeves, village natal du compositeur - et cette fois-ci, c'est la
directrice du Musée Dvořák qui m'invite.
J'étais bien loin de me douter que ces recherches,
commencées dans une parfaite insouciance il y aura bientôt
deux années, parviendraient à susciter un tel
intérêt... Aujourd'hui je serais très
honoré de pouvoir favoriser une meilleure connaissance de cet
extraordinaire compositeur. Mais l'essentiel est devant moi : il passe
par une épreuve du feu devant un public de connaisseurs, au
coeur même de sa terre natale...
La suite des événements est relatée dans le
premier lien ci-dessous.
Alain Chotil-Fani, 3 septembre 2005