La diffusion de la musique de Janáček par les
disques
Pour mesurer
l'ampleur de la diffusion de la musique de Janáček
par le disque et sa reconnaissance par le public, trois
étapes
ont été retenues. J'examinerai tout d'abord les
enregistrements "historiques". Ensuite je m'attacherai
à
la diffusion de quelques opéras
de Janáček
comparés à un certain nombre d'œuvres
marquantes du
répertoire. Année après
année
à partir de 1966, j'étudierai l'apparition dans
la
discographie des œuvres du compositeur morave, en quantifiant
le
nombre d'enregistrements et en en repérant les constantes et
les
manques chroniques. Je repérerai les
années fastes
de cette discographie (1990-1996) et insisterai sur la diffusion depuis
les années 60 de quatre œuvres
révélatrices du génie janacekien.
1)
Enregistrements historiques
Commençons donc par dresser une liste d'enregistrements
historiques. Ce qualificatif s'adresse à des gravures
réalisées avant 1966, soit sur des disques 78
tours, soit
sur des microsillons au début des années 50.
œuvre |
interprètes |
orchestre |
date |
Jenůfa |
Zinaïda
Jurjewskaja (1) |
? |
1924 |
Danses de Lachie |
Erich Kleiber |
orchestre Philharmonique
de Berlin |
1930 |
Sinfonietta |
Rafaël Kubelik |
orchestre philharmonique
tchèque |
1946 |
Jenůfa |
Richard Kraus + Trude
Eipperle, Margaret Klose, Wilhelm Otto (2) |
orchestre de Cologne
|
1949 |
Messe glagolitique |
Břetislav
Bakala (3) |
orchestre de la radio de
Brno |
1949 |
Taras Bulba |
Břetislav Bakala |
orchestre philharmonique d'état Brno |
1949 |
Ballade de Blanik |
Břetislav Bakala |
orchestre philharmonique d'état Brno |
1949 |
Sinfonietta |
Otto Klemperer |
orchestre du
Concertgebouw Amsterdam |
1951 |
Danses de Lachie |
Břetislav Bakala |
orchestre de la radio de Brno |
1951 |
Taras Bulba |
Rafaël Kubelik |
orchestre du
Concertgebouw Amsterdam |
1951 |
Sinfonietta |
Jascha Horenstein |
orchestre ORTF |
1952 |
Jenůfa |
Jaroslav Vogel + Stepanka
Jelikova, Marta Krasova, Beno Blachut, Ivo Zidek, |
orchestre du
Théâtre national de Prague |
1953 |
Sinfonietta |
Břetislav Bakala |
orchestre philharmonique
tchèque |
1953 |
Sarka |
Břetislav Bakala+ Alena
Nováková, Antonín Jurečka |
orchestre de la radio de
Brno |
1953 |
Danube |
Břetislav Bakala |
orchestre de la radio de Brno |
1954 |
Tarass Bulba |
Václav Talich |
orchestre philharmonique
tchèque |
1954 |
Sinfonietta |
Jascha Horenstein |
orchestre symphonique de
Vienne |
1955 |
Tarass Bulba |
Jascha Horenstein |
orchestre symphonique de
Vienne |
1955 |
Sinfonietta |
Rafaël Kubelik (3) |
orchestre philharmonique
de Vienne |
1955 |
Sinfonietta |
Otto Klemperer |
orchestre de la radio de
Cologne |
1956 |
Journal d'un disparu |
Beno Blachut - Josef
Palenicek |
|
1956 |
Sonate 1905 |
Rudolf
Firkušný |
(festival de Salzbourg) |
1957 |
Osud (le Destin) |
František
Jílek +Magdalena Hajóssyová, Vilem
Pribil |
orchestre de
l'opéra Janacek de Brno |
1958 |
Sinfonietta |
Charles Mackerras |
orchestre Pro Arte |
1959 |
Kata Kabanova |
Jaroslav Krumbhoc +
Drahomíra Tikalová, Ludmila Komanková,
Beno Blachut, Bohumir Vích |
orchestre du
Théâtre national de Prague |
1959 |
Excursions de M. Broucek |
Josef Keilberth + Fritz
Wunderlich |
orchestre de
l'opéra de Bavière |
1959 |
Sinfonietta |
Karel Ančerl |
orchestre philharmonique
tchèque |
1961 |
Taras Bulba |
Karel Ančerl |
orchestre philharmonique
tchèque |
1961 |
Messe glagolitique |
Karel Ančerl + Libuse
Domaninska |
orchestre philharmonique
tchèque |
1963 |
Messe glagolitique |
Rafaël Kubelik |
orchestre de la radio
bavaroise |
1964 |
Journal d'un disparu |
Rafaël Kubelik,
Ernst Haefliger |
|
1964 |
Jenůfa |
Krumbholc + Sena
Jurinac, Martha Modl, Ludwig Kmentt, Lucia Popp |
orchestre de
l'opéra de Vienne |
1964 |
Affaire Makropoulos |
Bohumil Gregor + Libuse
Prylova, Ivo Zidek |
Orchestre national de
l'opéra de Prague |
1965 |
De la maison des morts |
Bohumil Gregor + Beno
Blachut, Ivo Zidek |
Orchestre national de
l'opéra de Prague |
1966 |
(1) air de l'acte II inclus dans le
coffret consacré à Alice Sanden, Preiser records;
Zinaïda Jurjewskaja
(1896 - 1925) créatrice du rôle titre à
Berlin en 1924
(2) chanté en allemand
(3) Voir Mon chemin vers Janáček
Ce bref aperçu démontre
que dès les années cinquante, les
mélomanes
pouvaient théoriquement connaître quelques
œuvres primordiales de
Leoš Janáček, les deux ouvrages symphoniques de
la maturité, Taras
Bulba et la Sinfonietta,
ainsi que la Messe
glagolitique et l'opéra Jenůfa.
Dans la réalité, il en était autrement
puisque la
plupart des enregistrements provenait de Tchécoslovaquie
(éditions Supraphon) et que les conditions politiques
limitaient
fortement l'importation de ces disques. Dans les années
soixante, pendant de longues périodes, il était
donc pratiquement impossible de se les procurer par manque
d'approvisionnement. Remarquons que seules les
interprétations
d'Otto Klemperer, de Joseph Keilberth, de Charles Mackerras, chefs
allemands et anglais, de Kubelik et de Firkušný,
tous
deux expatriés, enregistrés par des labels
européens restaient distribués, ce qui
réduisait
considérablement le choix, quand ne se posait pas la
question de
leur disponibilité à une époque
où le nom
de Janáček demeurait encore quasiment inconnu
des décideurs musicaux de l'ouest
européen
(critiques,
programmateurs radio, chefs d'orchestre, directeurs
d'opéra…). Cette situation n'encourageait pas les
éditeurs à graver de nouvelles œuvres.
Avant 1966, il fallait au mélomane de
la perspicacité, du calme et de la volonté pour
mettre la
main sur un des rares disques édités de la
musique de
Janáček. Se constituer une discothèque
représentative de l'œuvre
de Janáček relevait
de l'impossible.
Signalons
que l'on peut avec beaucoup de patience et
de
persévérance tenter se
procurer dans les bacs des disquaires ou sur
internet, la plupart de ces enregistrements historiques,
notamment
Václav Talich dans la nouvelle édition Supraphon,
Jascha
Horenstein dans la Sinfonietta
à la tête de l'orchestre
national de l'ORTF dans un coffret de 9 disques Music and Arts,
à la tête de l'orchestre symphonique de Vienne
dans un
disque Vox Box Legends, Otto Klemperer par deux fois, pour la
première tenant la baguette face au Concertgebouw
d'Amsterdam
dans un coffret de 10 disques de marque Maestro History, pour la
seconde dirigeant l'orchestre de la radio de Cologne dans un disque
double EMI et l'enregistrement le plus ancien
réalisé par
Erich Kleiber à la tête de l'orchestre
philharmonique de
Berlin pour les Danses
de Lachie accompagnée d'œuvres
orchestrales de Stravinsky, Richard Strauss et J.S. Bach. Les
enregistrements d'Ancerl sont toujours disponibles chez Supraphon dans
la récente "Gold edition", l'interprétation de la
Sonate
par Firkusny, couplée avec les Tableaux d'une exposition
de
Moussorgski et la 3e
sonate de Chopin se trouve sur un disque
Orféo, Supraphon laisse à son catalogue la
première gravure de Jenůfa
par Jaroslav Vogel et les
œuvres orchestrales dirigées par Bretislav Bakala
sont
rassemblées sur deux disques de la marque Multisonic, ainsi
que
sur un disque Panton de 1993. Le label Relief a rassemblé
sur
deux disques la toute première Jenůfa sous la
baguette de Richard Kraus, chantée en allemand, rappelons
le, à Cologne et en 1949.
Lors de la sortie du catalogue général annuel
1958
Disques, l'excellente revue dirigée avec panache par Armand
Panigel, le
producteur de la fameuse Tribune des critiques de disques sur les ondes
de la radio, on pouvait juger de l'état discographique de la
musique tchèque. A l'ère du microsillon, on ne
comptait
de Janáček que 8 œuvres enregistrées,
à
comparer aux 36 de Dvořák et aux 9 de Smetana. Les autres
compositeurs tchèques plus ou moins contemporains du
musicien
morave se trouvaient aussi mal traités que lui, Fibich avec
5
œuvres enregistrées, Suk et Martinů avec 4 chacun,
Novak
avec 3 et Foerster totalement ignoré puisqu'aucune de ses
œuvres n'était disponible sur disque.
Cette très faible discographie n'empêcha pas la
nomination
de quelques-uns de ces enregistrements aux Grands Prix
du Disque de
ces années-là. L'Académie Charles Cros
décerna
deux de ses grands prix à deux disques tchèques,
une
réalisation du Petit
renard rusé
sous la direction de Václav Neumann (à cette
époque, la traduction transformait la renarde en
animal de sexe mâle !) et aux deux quatuors
sous les archets du Quatuor Janáček, le bien
nommé. En
1960, deux autres interprètes tchèques, le
violoniste
Josef Suk et son complice, le pianiste Jan Panenka, se voyaient
décerner un Grand Prix par la même
académie pour
leur interprétation de la Sonate pour violon et piano,
couplée à celle de Debussy. Trois ans plus tard,
c'était au tour du grand chef d'orchestre Karel
Ančerl
d'être
récompensé pour la Sinfonietta et Taras Bulba. En
1964, l'Académie Charles Cros récidivait en
honorant une nouvelle fois Karel
Ančerl pour la Messe
glagolitique.
Enfin l'année suivante, un autre chef tchèque,
Rafaël Kubelik, exilé depuis la fin de la guerre,
décrochait un Grand Prix pour l'enregistrement du Journal d'un disparu.
Quarante ans plus tard, tous ces enregistrements, sauf celui de
Neumann, sont toujours distribués (repiqués sur
CD) et
ironie de l'histoire, on les trouve beaucoup plus facilement
aujourd'hui qu'au moment de leur sortie ! En 1967, la symphonie du
Nouveau Monde de Dvořák, si elle
n'était pas couverte de
prix, avait non seulement trouvé son public, mais surtout
une
popularité assez phénoménale puisqu'on
ne comptait
pas moins de 25 enregistrements de cette pièce orchestrale.
Une
différence énorme de
célébrité séparait
les deux musiciens amis.
(retour au sommaire)
2) Versions discographiques
intégrales de quelques opéras
Pour mesurer l'importance de la diffusion des opéras
de Janáček et de la connaissance par le public de
ceux-ci,
deux opéras les plus souvent cités du compositeur
morave ont été retenus, Jenůfa et Kát'a
Kabanová. Trois opéras
contemporains, symptomatiques de
leurs auteurs se sont imposés à nous, Pelléas et
Mélisande, le
Château de Barbe-Bleue et Wozzek. Plus
près de notre époque, Peter Grimes d'un
des grands
compositeurs (Benjamin Britten) de la période que
j'appellerai un peu abusivement
la seconde moitié du XXè siècle.
Toujours dans
l'optique de comparaison de la notoriété, je
rapproche les deux œuvres de Janáček
de deux
des plus célèbres opéras de ses
compatriotes
Smetana (La
Fiancée vendue) et Dvořák (Rusalka), ces
informations se détachant sur fond jaune.
Enfin, pour affiner quelque peu ce coup de sonde dans l'univers
opératique, quatorze opéras illustres ou
représentatifs de différentes
périodes historiques et de différentes
écoles ont
été retenus.
titre |
compositeur |
date |
disponibles en |
1958 |
1971 |
1987
|
1997
|
2004
|
Orféo |
Monteverdi |
1606 |
2 |
3 |
5 |
6 |
7 |
Didon et Enée |
Purcell |
1689 |
2 |
3 |
7 |
18 |
14 |
Orphée et
Eurydice |
Gluck |
1762 |
1 |
4 |
5 |
22 |
18 |
La Flûte
enchantée |
Mozart |
1791 |
3 |
4 |
12 |
30 |
31 |
Barbier de
Séville |
Rossini |
1816 |
4 |
5 |
6 |
16 |
23 |
Tannhauser |
Wagner |
1845/61 |
0 |
1 |
6 |
11 |
15 |
La Traviata |
Verdi |
1850 |
4 |
5 |
14 |
27 |
27 |
Faust |
Gounod |
1852/9 |
2 |
3 |
3 |
9 |
14 |
Tristan et Isolde |
Wagner |
1865 |
1 |
3 |
7 |
12 |
14 |
La
fiancée vendue |
Smetana |
1866 |
1 |
0 |
1 |
2 |
4 |
Aïda |
Verdi |
1871 |
5 |
3 |
5 |
23 |
29 |
Carmen |
Bizet |
1873/4 |
3 |
7 |
11 |
19 |
23 |
Eugène
Onéguine |
Tchaïkovski |
1877/8 |
2 |
1 |
1 |
6 |
8 |
Werther |
Massenet |
1892 |
2 |
2 |
4 |
6 |
16 |
La Bohème |
Puccini |
1896 |
3 |
5 |
7 |
22 |
27 |
Rusalka |
Dvořák |
1900 |
1 |
0 |
1 |
2 |
3 |
Pelléas et
Mélisande |
Debussy |
1902 |
4 |
3 |
7 |
12 |
16 |
Jenůfa |
Janáček |
1903 |
1 |
1 |
2 |
4 |
5 |
Le château de
Barbe-Bleue |
Bartok |
1911 |
0 |
2 |
4 |
9 |
11 |
Kát'a
Kabanová |
Janáček |
1921 |
0 |
0 |
0 |
2 |
2 |
Wozzek |
Berg |
1922 |
0 |
2 |
3 |
5 |
8 |
Peter Grimes |
Britten |
1945 |
0 |
0 |
2 |
3 |
4 |
Lorsqu'on
connaît le prix d'une
place d'opéra et même si la plupart des
théâtres ont
consenti des efforts non négligeables pour permettre aux
mélomanes peu fortunés de fréquenter
quand
même leurs salles un peu plus souvent, on sait que le public
de ces établisements n'est pas vraiment
représentatif de la population d'une contrée. La
fréquence de représentation d'un opéra
n'est donc
qu'un indicateur parmi d'autres de la popularité d'un
compositeur et de ses œuvres ou de certaines de celles-ci.
L'invention du
microsillon au
début des années 50, celle du compact-disc dans
les
années 80, celle du DVD actuel succédant
à la
cassette VHS ont apporté à domicile nombre
d'œuvres
élargissant du coup le cercle de la connaissance musicale de
beaucoup de mélomanes quelque soit leur degré
d'intérêt vis à vis de la musique.
L'existence de
la modulation de fréquence, amenant des chaînes
comme
France-Musique, France Culture ou plus récemment Radio
Classique
a joué un rôle de diffuseur de musique, de tous
les genres
et de toutes les époques. Ce goût pour la musique
a
généré un engouement et une
amplification de la
demande de musique enregistrée.
En ce qui concerne le
support du disque, en l'espace de trente trois ans (1971 - 2004),
l'offre de chacun des opéras retenus s'est
considérablement diversifiée et
élargie. Les
opéras les plus connus, y compris par un public qui ne les a
jamais entendus sur une scène
théâtrale, offrent le
plus grand nombre de versions, avoisinant ou dépassant
maintenant les deux
douzaines (La
Flûte enchantée, la Traviata, la
Bohème, Carmen
ou même pour la période baroque
Orphée et
Eurydice et l'inattendu Didon et Enée).
Par
contre, les doigts d'une main suffisent pour dénombrer les
versions des opéras tchèques et la Fiancée vendue
pas plus que Rusalka
ne fait exception à cette règle. La langue
tchèque rebute-t-elle à ce point la plupart de
nos grands
interprètes européens ou américains
pour que
ceux-ci ne s'engagent que si peu dans une production discographique ?
Sans doute s'y ajoute-t-il des motifs économiques, le public
comprenant la langue tchèque ne représentant pas
un
marché suffisant pour amortir un coffret de disques ? Mais
comment alors expliquer le succès relatif de
l'opéra du
Hongrois Béla Bartok (11 versions en 2004)
composé en une langue qui n'est pas
plus répandue que sa voisine, la langue tchèque ?
Et cet
unique opéra n'a pas la réputation de la
facilité
en ne mettant en scène que deux protagonistes dans une
action encore plus concentrée en durée que la
plupart des opéras du maître morave. Il est vrai
que pour Jenůfa
et Kát'a
Kabanová, si
nous n'avons pas l'embarras du choix, nous pouvons trouver à
coup sûr une version emblématique dans
l'authenticité,
par exemple celle dirigée par Charles Mackerras, cet
infatigable
promoteur
de la musique de Janáček. Ou une excellente
alternative
conduite par un des chefs tchèques tels Krumbholc, Gregor ou
Jilek entouré par des interprètes qui chantent
dans leur
arbre généalogique.
Si l'on veut se pencher d'une manière plus
précise sur la
pénétration en France de la musique de
Janáček par
le vecteur du disque, il faut examiner par tranches
d'années, quelles œuvres apparaissent
successivement. Pour
ce faire, la consultation d'une revue musicale largement
distribuée dans
les
kiosques s'avérait indispensable. D'autant plus que la revue
Diapason qui a
été choisie de préférence
au Monde de la musique ou Répertoire (maintenant Classica)
s'est
orientée plus largement vers l'analyse des disques
disponibles
à un moment donné que vers la
parution d'articles de fond. En outre cette revue offrait l'avantage
sur les
autres de l'antériorité de sa parution, 1956.
L'année 1966 a été prise comme point
de
départ, eu
égard aux archives conservées depuis cette date
à la
bibliothèque municipale de Lyon ou dans d'autres
bibliothèques publiques qu'il m'a été
possible de consulter. La production musicale
examinée à travers les critiques d'une revue ne
recouvre
sans doute pas l'intégralité des enregistrements
sur le
marché européen ou mondial, mais cette
procédure
offre l'avantage de ne s'intéresser qu'aux disques
réellement disponibles en France. Ce qui ne signifie pas
qu'en
tous endroits du territoire français, on pouvait trouver
tous ces
enregistrements. A contrario, il arrivait qu'on puisse
dénicher
un disque d'importation dans une ville précise et
à un
moment donné, ce disque se révélant
indisponible
ailleurs.
(retour
au sommaire)
3) Disques d'œuvres de
Janáček
3.1
Discographie quantifiée
Le tableau ci-dessous a été dressé
pour indiquer
année après année, par ordre, le
nombre
d'enregistrements dédiés à la musique
de Janáček, le nombre de disques émanant
de firmes
tchèques, le nombre d'enregistremernts dans lesquels
interviennent un ou des interprètes tchèques,
qu'ils
résident en Tchécoslovaquie ou qu'ils en soient
originaires et le nombre d'œuvres du compositeur morave que
ces
disques contiennent.
année |
nombre
d'enregis-
trements |
disques
tchèques |
interprètes
tchèques |
nombre
d'œuvres |
année |
nombre
d'enregis-
trements |
disques
tchèques |
interprètes
tchèques |
nombre
d'œuvres |
1966 |
2 |
1 |
1 |
3 |
1986 |
4 |
2 |
2 |
6 |
1967 |
1 |
0 |
0 |
1 |
1987 |
3 |
0 |
0 |
4 |
1968 |
1 |
0 |
0 |
3 |
1988 |
9 |
1 |
6 |
17 |
1969 |
2 |
1 |
2 |
7 |
1989 |
9 |
2 |
4 |
19 |
1970 |
1 |
0 |
1 |
1 |
1990 |
14 |
3 |
8 |
25 |
1971 |
2 |
0 |
1 |
3 |
1991 |
13 |
1 |
5 |
33 |
1972 |
2 |
0 |
1 |
6 |
1992 |
13 |
1 |
2 |
26 |
1973 |
2 |
2 |
2 |
5 |
1993 |
16 |
2 |
9 |
31 |
1974 |
1 |
0 |
0 |
1 |
1994 |
12 |
4 |
7 |
25 |
1975 |
2 |
0 |
0 |
2 |
1995 |
20 |
6 |
10 |
44 |
1976 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1996 |
19 |
2 |
7 |
43 |
1977 |
8 |
5 |
6 |
17 |
1997 |
6 |
3 |
4 |
20 |
1978 |
4 |
2 |
2 |
7 |
1998 |
3 |
1 |
1 |
4 |
1979 |
4 |
0 |
1 |
7 |
1999 |
6 |
3 |
3 |
15 |
1980 |
8 |
5 |
6 |
14 |
2000 |
13 |
3 |
5 |
21 |
1981 |
8 |
4 |
5 |
26 |
2001 |
7 |
3 |
5 |
11 |
1982 |
5 |
2 |
3 |
6 |
2002 |
11 |
0 |
4 |
17 |
1983 |
7 |
5 |
6 |
14 |
2003 |
8 |
2 |
6 |
11 |
1984 |
4 |
2 |
2 |
8 |
2004 |
|
|
|
|
1985 |
4 |
0 |
2 |
8 |
2005 |
|
|
|
|
Pour mieux mesurer la situation discographique de Janáček,
comparons la à celle de ces compatriotes, Smetana et
Dvořák et à celle d'un de ses voisins, Bela
Bartok.
Prenons deux dates témoins, 1975 et 1986. Alors qu'en 1975,
la
diffusion française d'enregistrements de Janáček
se
limitait à 2, celle de Smetana la dépassait avec
5
disques, alors que Dvořák était
crédité de
17 avec une petite avance sur Bartok, 15. A tire d'information, en
cette même année, Mahler était sorti de
son
purgatoire et le marché français en proposait 11
disques.
Onze ans plus tard, la situation n'avait pas beaucoup changé
pour le compositeur morave puisque seulement 4 enregistrements
arrivaient dans les bacs des disquaires. Son temps n'était
pas
encore venu ! La discographie de Smetana s'était nettement
améliorée avec 9 disques, tandis que celle de
Dvořák restait stable avec 18 galettes (microsillons et CD),
mais sans commune mesure avec celle de son jeune collègue
morave. Cette année-là, l'édition
discographique
de Bartok ne s'était pas avérée
particulièrement riche avec seulement 5 disques à
lui
consacrés.
Comme on peut le constater sur le tableau
précédent,
pendant la première decennie, la discographie de
Janáček
est restée très faible avec la parution de
seulement un
ou deux enregistrements chaque année. En jun 1969, en page
25 de
la revue Diapason, son rédacteur en chef-adjoint, Michel R
Hofmann se désolait déjà de cette
situation :" Il
semble inconcevable que la discographie de Janáček un des
plus
grands compositeurs du XXè siècle soit encore si
pauvre."
Cette déploration, aussi justifiée soit-elle,
n'aura
quasiment aucun effet pendant les quelques vingt ans qui
suivront.
A partir de 1977 et
jusqu'en 1989, la discographie s'amplifia
légèrement, oscillant
entre 4 et 9 enregitrements qui comprenaient un certain nombre de
rééditions. En 13 ans, 77 disques ont
été
édités, soit une moyenne annuelle de 6. Sur ce
nombre, 30
disques nous arrivaient directement de Tchécoslovaquie. 45,
c'est-à-dire une majorité, étaient dus
à
des interprètes tchèques. La production
discographique de Janáček
restait donc pour une large part une affaire tchèque !
Remarquons à partir des années 1980 une nette
tendance
à proposer des disques homogènes et non
à
compléter un disque de musique tchèque ou autre
par une
œuvre du compositeur morave. De 1966 à 1989, on a
bien
l'essentiel de la production janacekienne. Mais quelle
patience
aura-t-il fallu au mélomane pour constituer une
discothèque
digne de ce nom ! A condition encore de trouver chez son disquaire les
disques en provenance de Tchécoslovaquie !
De 1990 à 1996, sans parler de raz de marée, ce
qui
serait excessif, on assista à un arrivage plus massif
d'enregistrements, une moyenne annuelle d'une quinzaine de disques, ce
qui correspondait à une moyenne annuelle de 36
œuvres (au
total
226 œuvres)
Cette évolution apparaît encore plus significative
quand
on quitte l'étalon d'une année et qu'on
l'élargit
à une période de sept ans. On aperçoit
une lente
montée, tant du côté du nombre de
disques que du
côté des œuvres enregistrées
pendant une
vingtaine d'années. Le pic constitué par la
période 90-96 se manifeste d'une manière
spectaculaire.
Le ralentissement durant la dernière période se
situe
malgré tout au-dessus du niveau des saisons
précédentes. Rien n'est jamais acquis !
Enregistrements consacrés à Janáček de
1969 à 2003
3.2
Repère : année 1970
Arrêtons-nous en 1970. Chaque année, la revue
Diapason
éditait à l'intention des professionnels, des
discophiles et des mélomanes, un catalogue des disques
disponibles, classés par compositeurs. Si l'on examine le
contenu de celui de 1970, à l'article Janáček, on
trouve
seulement 11 disques (dont deux de la marque Supraphon venant
directement de Tchécoslovaquie) comprenant 17
œuvres.
Trois de celles-ci ont la chance d'être gravées
deux fois.
Toutes ces œuvres, postérieures à 1900,
appartiennent à la période dite de
maturité du
compositeur, mais un seul opéra est
représenté,
Jenůfa,
aucun chœur, aucune œuvre directement
inspirée par la musique populaire, sauf les Danses de Lachie,
une seule interprétation de la Sinfonietta,
pourtant
déjà célèbre, par contre
absence de Taras
Bulba. A titre de comparaison, si l'on examine
la discographie
disponible de Dvořák, à première vue,
on la trouve
plus riche avec la présence de l'ensemble des 9 symphonies
sauf la 4e, du
concerto pour violoncelle représenté par 12
enregistrements différents (nombre significatif de son
succès !), de plusieurs ouvertures, mais
d'aucun poème symphonique de la dernière
période,
des danses slaves, plutôt des anthologies que
l'intégrale
des deux séries, mais absolument aucun opéra.
Quant
à Smetana, seule la Moldau
(la Vltava)
est bien représentée,
alors que la Fiancée
vendue
ne figure que par des extraits
orchestraux. Enfin, Martinů tient une place "honorable" face
à
ses compatriotes avec 19 œuvres disponibles. En 1970, il
restait
donc beaucoup de musique tchèque en
général et
beaucoup de musique de Janáček en particulier à
découvrir,
c'est le moins que l'on puisse écrire !
Œuvres
de Janáček
disponibles sur disques en 1970 |
opéras |
œuvres
religieuses |
chant
orchestral |
chœurs |
Jenufa |
|
Messe
glagolitique |
|
chants |
orchestre |
musique
de chambre |
piano |
Journal
d'un disparu |
Jalousie |
Sonate
pour violon |
|
|
l'Enfant
du violoneux |
Quatuor
à cordes n° 1 |
Sonate
1905 |
|
Ballade
de Blanik |
Mladi |
Sur
un sentier recouvert |
|
Concertino |
Quatuor
à cordes n° 2 |
Dans
les brumes |
|
Danses
de Lachie |
|
|
|
Sinfonietta |
|
|
Trois microsillons des
années 1970
3.3 Apparition
des œuvres de Janáček dans la discographie
Ce tableau présente les œuvres de
Janacek
réellement disponibles en France au fur et à
mesure de
la parution des disques, depuis 1966. Il ne tient pas compte des
enregistrements
"historiques" réalisés avant cette date et
examinés plus haut. La durée de vie d'un disque
variant
énormément d'un éditeur à
l'autre, et d'un
distributeur à l'autre, certains enregistrements furent
disponibles plusieurs années, d'autres seulement quelques
mois.
date |
opéras |
œuvres
religieuses
et chant orchestral |
chœurs
et chants |
orchestre |
musique
de chambre
et piano |
opus |
avant
1966 |
|
|
Journal d'un disparu |
|
|
V/12 |
|
|
|
|
Sonate pour violon |
VII/7 |
|
|
|
|
Quatuor à cordes n°1 |
VII/8 |
|
|
|
|
Quatuor à cordes n°2 |
VII/13 |
|
|
|
Sinfonietta |
|
VI/18 |
|
Messe glagolitique |
|
|
|
III/9 |
1968 |
|
|
|
|
Dans les brumes |
VIII/22 |
|
|
|
|
Mladi |
VII/10 |
|
|
|
|
Concertino |
VII/11 |
1969 |
|
|
|
Jalousie |
|
VI/10 |
|
|
|
Enfant du violoneux |
|
VI/14 |
|
|
|
Ballade de Blanik |
|
VI/16 |
|
|
|
Danses de Lachie |
|
VI/17 |
1970 |
Jenůfa |
|
|
|
|
I/4 |
1971 |
|
|
|
Taras Bulba |
|
VI/15 |
1972 |
|
|
|
|
Capriccio |
VII/12 |
1973 |
|
Hospodine |
|
|
|
III/5 |
|
Otce Nas |
|
|
|
IV/29 |
|
L'évangile éternel |
|
|
|
III/8 |
|
|
Au chalet de Solan |
|
|
III/7 |
l'Affaire Makropoulos |
|
|
|
|
I/10 |
1975 |
|
|
|
Suite pour cordes |
|
VI/2 |
1977 |
Kata Kabanova |
|
|
|
|
I/8 |
Petite renarde rusée |
|
|
|
|
I/9 |
|
|
Kantor Halfar |
|
|
IV/33 |
|
|
Marycka Magdonova |
|
|
IV/34 |
|
|
Les 70 000 |
|
|
IV/36 |
|
|
La légion tchèque |
|
|
IV/42 |
|
|
Le fou errant |
|
|
IV/43 |
1978 |
|
|
|
|
Pohadka |
VII/5 |
De la maison des morts |
|
|
|
|
I/11 |
1980 |
Le Destin |
|
|
|
|
I/5 |
1981 |
|
|
Chansons de Hradcany |
|
|
IV/40 |
|
|
La piste du loup |
|
|
IV/39 |
|
|
Kaspar Rucky |
|
|
IV/41 |
Excursions de M. Broucek |
|
|
|
|
I/6 - I/7 |
1984 |
|
|
|
Idylle |
|
VI/3 |
1986 |
|
Amarus |
|
|
|
III/6 |
1987 |
|
|
|
Danube |
|
IX/7 |
|
|
|
|
Scluck und Jau |
|
IX/11 |
|
|
|
|
Danses moraves |
|
VI/7 |
|
|
|
|
Suite |
|
VI/6 |
1990 |
|
|
|
Adagio |
|
VI/5 |
|
|
|
|
|
Variations Zdenka |
VIII/6 |
1991 |
|
|
|
|
Danses de Moravie |
VIII/18 |
|
|
|
|
Pélerinage d'une âme |
|
IX/10 |
1992 |
|
|
|
|
Rikadla |
V/17 |
1993 |
|
|
Poésie morave en chansons |
|
|
V/2 |
|
Sarka |
|
|
|
|
I/1 |
1995 |
|
|
Petites reines |
|
|
IV/20 |
|
|
|
Nocturnes populaires |
|
|
IV/32 |
1996 |
|
Messe en mi b |
|
|
|
IX/5 |
|
|
Ave Maria |
|
|
|
II/14 |
|
|
|
|
|
Marche des gorges bleues |
VII/9 |
|
|
|
Chants d'Eva Gabel |
|
|
V/9 |
|
|
|
Chants de Detva |
|
|
V/11 |
|
|
|
Cinq chants populaires |
|
|
IV/37 |
|
|
|
Quatre ballades |
|
|
V/7 |
Précisons que les titres des œuvres sont
donnés
dans la traduction française pour plus de
facilité. Par
ailleurs, afin de ne pas surcharger ce tableau avec l'inscription de
miniatures (pièces pour piano, pièces
religieuses
essentiellement de l'époque des études
à Prague de
Janáček…) cette liste a été
arrêtée volontairement à
l'année 1996.
Relevons un fait courant pour les compositeurs et
interprètes
célèbres, mais rare pour la musique
tchèque. Plus
les moyens de production des éditeurs de disques sont
importants, plus leurs efforts publicitaires, quoique
ciblés,
sont nombreux. Le simple nom de Maria Callas, par exemple, multiplie
les ventes de disques
d'opéras italiens et facilite la connaissance de la Traviata de
Verdi, mais également de pièces moins connues. En
novembre 1980, les éditions Supraphon, sentant
peut-être
les signes d'une évolution du public envers le compositeur
morave, profitant de la première de Jenůfa à
l'Opéra de Paris, monopolisèrent une page
entière
de la revue Diapason pour présenter une discographie
actuelle de
l'auteur de la Sinfonietta.
Une occasion de faire le point sur la
disponibilité des enregistrements et de parfaire sa
connaissance
de son catalogue. Six opéras (il ne manque que Kata Kabanova),
les deux œuvres orchestrales de la maturité, la Messe
glagolitique, la musique de chambre bien
représentée par
les deux quatuors, des pièces pour violon, l'œuvre
pianistique, le versant vocal avec le Journal d'un disparu
(appelé ici Carnet) et les neuf chœurs pour voix
d'hommes
rassemblés sur un microsillon, ces 14 enregistrements
constituaient une belle anthologie !
La revue Diapason inaugura une notation des enregistrements en 1969
avec des diapasons. Plus nombreux ils étaient, plus la
valeur
musicale et interprétative du disque examiné
croissait. Un peu plus
tard apparurent les diapasons d'or pour distinguer un disque digne
d'éloges superlatifs. La discographie toute mince qu'elle
fut
jusque vers les années 1990 se trouva honorée
très
souvent par un de ces diapasons d'or. L'aventure commença en
1977 avec la parution de Kát'a
Kabanová
sous la baguette de Charles Mackerras avec Elisabeth
Söderström dans le rôle titre, un coffret
de deux
disques de la marque Decca. L'année suivante, un nouvel
opéra fut distingué, la Maison des Morts
dirigé par Bohumil Gregor, un coffret de 2 disques
Supraphon. En 1980, le Journal
d'un disparu
fut célébré dans une
interprétation
confiée à des chanteurs et à un
pianiste
non-tchèques, le ténor Peter Keller, la mezzo
Clara Wirz
et le pianiste Mario Venzago (plus connu comme chef d'orchestre), un
disque de la marque Accord, une quasi première pour une
firme
française. En 1982, un diapason d'or
récompensa
Karel Ančerl à la tête de la Philharmonie
tchèque
pour son exécution de la Sinfonietta
couplée sur cette galette avec Taras Bulba.
Le premier diapason d'or d'une longue lignée
occasionnée
par de multiples rééditions avec des couplages
divers. Un
diapason d'or distingua une nouvelle fois Charles Mackerras
pour le quatrième enregistrement d'un
opéra, la
Petite renarde rusée
avec la délicieuse Lucia Popp dans le rôle de la
renarde.
En 1983 parut le premier compact-disque consacré au
maître
morave. Charles Mackerras inaugura cette nouvelle ère
technique
avec deux œuvres orchestrales Taras Bulba et la Sinfonietta.
En 1988, ces deux mêmes œuvres sous la direction de
Karel
Ančerl (une réédition) furent
couronnées d'un
diapason d'or, distinction décernée à
l'interprétation par le même chef de la Messe glagolitique.
Un double évènement à signaler en
1989, un nouveau
diapason d'or pour le couplage orchestral
précédent dans
une nouvelle édition Supraphon, dans la collection
économique Crystal, premier disque à prix doux,
sans
doute, de la discographie du compositeur morave. Permettez nous,
lecteur, une petite digression. Non seulement, dans les
années
précédentes les disques consacrés
à
Janáček ne brillaient pas par leur nombre, mais de plus, ils
appartenaient aux catégories à prix fort. Les
mélomanes désargentés devaient
consentir des
sacrifices pour acquérir un microsillon. Au
début
des années 70, par exemple, ce prix avoisinnait les 35 F
alors
que les premières collections économiques
proposaient des
vinyles à 20 F, voire à 10 F pour les collections
super-économiques. Il fallait donc se montrer
particulièrement motivé et
particulièrement
argenté pour réussir à se procurer un
disque
par-ci, par-là. La parution d'un premier disque à
prix
doux revigorait ainsi les mélomanes
intéressés par
la musique de Janáček. Revenons maintenant
à ces
récompenses. En 1990, deux très grands artistes,
le
violoniste Gidon Kremer et la pianiste Martha Argerich qui
gravèrent la Sonate
pour violon du maître morave, couplée
à la première sonate pour violon
de Bartok et au Thème
et variations
de Messiaen obtinrent une telle distinction. La distribution continua
avec deux récompenses en 1991, l'une pour l'enregistrement
des
pièces pour piano par Rudolf Firkusny (disque RCA) et
l'autre
pour le coffret Decca contenant l'Affaire Makropoulos,
opéra dirigé par Charles Mackerras. En 1992, un
nouveau
violoniste, allemand celui-là, Franz-Peter Zimermann avec le
pianiste Alexander Lonquich, grava la Sonate
couplée à celles de Debussy et Ravel. Ce compact
disque
gagna un diapason d'or. Deux enregistrements du chef Rafaêl
Kubelik, la Messe
glagolitique couplée au Stabat mater
de Dvořák, et la Sinfonietta
couplée
avec des pièces de Smetana furent honorés en
1993. Poursuivons cette liste en 1995 où
nous trouvons distingués notre compatriote, le pianiste
Alain
Planès qui grava l'esssentiel des œuvres pour
piano pour
la firme Harmonia Mundi, le pianiste tchèque Radoslav Kvapil
dans un programme quasi identique pour Unicorn et des
interprètes néerlandais,
dirigés par Reinert de Leeuw, pour Philips, dans une
anthologie
chorale. En 1996, une distinction s'adressa à un
enregistrement
vidéo de Jenůfa,
venant du festival de Glyndebourne, dont on retint en particulier les
prestations vocales de Roberta Alexandra et de la grande Ania Silja. Un
habitué de ces récompenses, Karel Ančerl
récidiva
avec un coffret de 7 disques chez Tahra, comprenant Taras Bulba.
Un ensemble tchèque, le Quatuor Pražák
récolta la précieuse distinction en 1997 pour sa
gravure
des deux quatuors et de la Sonate pour violon. Un autre ensemble de
musique de chambre, le quatuor Belcea obtint en 2001 la même
distinction pour un nouvel enregistrement des deux quatuors de
Janáček publié par une marque hexagonale, Zig Zag
Territoire. En 2002, une avalanche de diapasons d'or s'abattit sur 5
gravures, celle de Jenůfa
dans la production de Glyndebourne, déjà
récompensée auparavant, mais maintenant
transférée sur un
support DVD ; un autre DVD retransmettant la Kát'a
Kabanová
montée au festival de Salzbourg sous la baguette de notre
compatriote Sylvain Cambreling, avec la soprano Angela Denoke dans le
rôle titre ; un troisième DVD reproduisant la
production de la Petite
renarde rusée dirigée par Charles
Mackerras ; un éditeur français,
Soupir, qui grava
une anthologie pianistique confiée aux doigts et
à la
sensibilité d'Aldo Ciccolini, et un coffret de marque RCA
regroupant le Concertino
et le Capriccio
couplés au concerto
pour piano et aux quintettes
avec piano de Dvořák par un binôme
tchèque
composé de Rudolf Firkusny au piano
(déjà
distingué quelques années plus tôt) et
Václav Neumann à la baguette. L'année
suivante,
une pluie de 4 diapasons d'or arrosa un vieil enregistrement de la
suite d'orchestre La
Petite renarde rusée de Václav
Talich qu'il a lui-même confectionnée, la Sinfonietta
dirigée par Ančerl dans une nième
réédition, couplée cette fois
à de la
musique de Martinů, la même Sinfonietta
dirigée par un autre habitué, Rafaël
Kubelik, dans un coffret de trois disques Andante et la Petite renarde rusée entraînée
par Kent Nagano dans une version moderne sous la forme d'un dessin
animé réalisé par Geoff Dunbar. En
2005, un
coffret regroupant les deux quatuors
avec d'autres œuvres similaires de Smetana et de
Dvořák par le
Quatuor Pražák obtint, comme huit ans auparavant la
dinstinction dorée.
Depuis 1990, ces diapasons d'or eurent certainement une influence sur
les lecteurs de la revue, qui s'ils ne trouvaient pas d'articles
suffisamment dévelevoppés sur le compositeur
morave
à l'intérieur de la revue ne pouvaient que
s'interroger
sur ce compositeur. Ses œuvres étaient
visitées par
ses compatriotes interprètes, mais aussi avec grand
succès par d'autres musiciens. Qu'un diapason d'or soit
décerné à un enregistrement
exceptionnel ne devait
pas cacher l'excellence d'autres disques qui obtenaient 5
diapasons. Or 41 disques consacrés à la musique
de
Janáček obtinrent cette note. Le lecteur attentif ne pouvait
pas
les ignorer !
Enregistrements sur
disque microsillon de six opéras
de Janáček

Enregistrements
sur disque microsillon de chœurs de Janáček

Disque microsillon de la Messe glagolitique de Janáček *
*
L'illustration montre bien la
difficulté de se procurer en France des enregistrements de
la
marque Supraphon. Pour cette Messe glagolitique, c'est une version
destinée au marché allemand qui s'est
retrouvée -
on ne sait trop comment - dans les bacs d'un disquaire parisien.
(retour
au sommaire)
4. Les années fastes
: 1990-1996
Le tableau suivant porte sur la période 1990 - 1996,
période d'explosion de la production et de distribution des
disques consacrés à Janáček. On
dénombra 57
œuvres dont un certain nombre (13
précisément) en
plusieurs enregistrements différents. Avec respectivement 17
et
15 gravures, la Sinfonietta
et Taras Bulba
font figure de "tubes". Ces deux pièces orchestrales
n'intéressèrent plus seulement les chefs et les
orchestres
tchèques ! Et avec 14 enregistrements, la Messe glagolitique
les talonnait. Leur
succès déjà sensible dans les
années 60 se confirmait ainsi. La sonate pour violon,
les deux Quatuors,
la Sonate pour piano,
les cycles pianistiques Sur
un sentier recouvert et Dans les brumes et
même le Concertino
à première écoute d'un aspect plus
aride
provoquèrent des enregistrements multiples. Même
une pièce
orchestrale inachevée du vivant du musicien,
reconstituée
par les soins de musicologues tchèques en 1988 et
éditée cette année-là, le
Concerto pour
violon sous-titré Pélerinage
d'une âme
suscita tout de même l'intérêt des
violonistes puisque on en compta 5 gravures. Grâce
à la
sollicitude des interprètes et des éditeurs
tchèques, des pans entiers de la production janacekienne
furent
dévoilés notamment le versant folklorique avec en
particulier 4 versions intégrales ou partielles de la Poésie populaire
morave en chansons. On remarquait la
présence de toutes les œuvres maîtresses
du
maître morave, sauf les chœurs Marycka Magdonova
et l'Evangile
éternel ainsi que la cantate Amarus.
Les mélomanes, amoureux de la musique
de Janáček ou
tout simplement les amateurs curieux d'itinéraires moins
courus,
trouvèrent l'occasion de monter une discothèque
sur une
période relativement courte.
Comment expliquer cet intérêt subit des firmes
discographiques, des chefs, des orchestres, des solistes pour la
musique de Janáček ? Un lent mouvement de
curiosité se
transformant graduellement en attachement se produisit au
début
des années 80 de la part des musicologues, mais aussi du
public.
Les représentations de plusieurs opéras
à
Paris et dans plusieurs autres villes de France habituèrent
ces spectateurs à l'étrangeté de cette
musique,
mais aussi
à sa beauté. Quelques articles, quelques disques,
des
récompenses à travers des Grands prix du disque,
quelques
représentations, une attention naissante du public, tous ces
ingrédients fonctionnèrent insensiblement, se
renforçant les uns les autres. Le petit nombre d'adeptes se
transforma peu à peu en un groupe plus fourni qui constitua
bientôt un auditoire suffisant pour que des
interprètes
plus
avisés osent intégrer une œuvre du
compositeur morave dans leurs
récitals. Janáček n'était
plus
tout-à-fait un inconnu, un original incompris ou un
marginal.
Progressivement, on mesurait mieux son apport aux
côtés
des grands anciens tchèques, Smetana
et Dvořák, on
appréhendait mieux sa personnalité musicale, sa
particularité, sa place et son importance dans le paysage
musical du premier quart du XXè
siècle.
Opéras
|
Oeuvres religieuses et
chant orchestral
|
Chants et Chœurs
|
œuvre
|
nb
|
opus
|
œuvre
|
nb
|
opus
|
œuvre
|
nb
|
opus
|
Jenufa
|
4
|
I/4
|
Exaudi Deus
|
1
|
II/4
|
Canard sauvage
|
1
|
IV/18
|
Le Destin
|
2
|
I/5
|
Regnum mundi
|
1
|
II/7
|
Petite colombe
|
1
|
IV/19
|
Kata Kabanova
|
2
|
I/8
|
Ave Maria
|
1
|
II/14
|
Petites reines
|
1
|
IV/20
|
Petite renarde
rusée
|
2
|
I/9
|
Messe en mi b
|
1
|
IX/5
|
Notre bouleau
|
1
|
IV/22
|
L’Affaire
Makropoulos
|
1
|
I/10
|
Messe glagolitique
|
14
|
III/9
|
Otce Nas (Notre
père)
|
3
|
IV/29
|
Maison des Morts
|
2
|
I/11
|
|
|
|
Elégie sur la
mort d’Olga
|
1
|
IV/30
|
|
|
|
|
|
|
Nocturnes populaires
|
2
|
IV/32
|
|
|
|
|
|
|
Kantor Halfar
|
1
|
IV/33
|
|
|
|
|
|
|
La piste du loup
|
1
|
IV/39
|
|
|
|
|
|
|
Chansons de Hradcany
|
1
|
IV/40
|
|
|
|
|
|
|
Le fou errant
|
1
|
IV/43
|
|
|
|
|
|
|
La poésie
populaire morave en chansons
|
4
|
V/2
|
|
|
|
|
|
|
Cinq ballades
|
1
|
V/7
|
|
|
|
|
|
|
Six chants d’Eva
Gabel
|
1
|
V/9
|
|
|
|
|
|
|
Chants de Detva
|
1
|
V/11
|
|
|
|
|
|
|
Journal d’un
disparu
|
1
|
V/12
|
|
|
|
|
|
|
Rikadla
|
4
|
V/17
|
Orchestre
|
Musique de chambre
|
Piano
|
œuvre
|
nb |
opus
|
œuvre
|
nb |
opus
|
œuvre
|
nb |
opus
|
Suite pour cordes |
8
|
VI/2
|
Romance
|
1
|
VII/3
|
Variations
Zdenka
|
2
|
VIII/6
|
Idylle
|
3
|
VI/3
|
Dumka
|
1
|
VII/4
|
Musique pour un exercice de
gymnastique
|
1
|
VIII/13
|
Jalousie
|
2
|
VI/10
|
Le Conte
|
7
|
VII/5
|
Sur un sentier recouvert
|
9
|
VIII/17
|
L’enfant du
violoneux
|
3
|
VI/14
|
Presto
|
3
|
VII/6
|
Danses moraves
|
1
|
VIII/18
|
Taras Bulba
|
15
|
VI/15
|
Sonate pour violon
|
12
|
VII/7
|
Sonate 1905
|
9
|
VIII/19
|
Ballade de Blanik
|
3
|
VI/16
|
Quatuor n° 1
|
12
|
VII/8
|
Dans les brumes
|
12
|
VIII/22
|
Danses de Lachie
|
4
|
VI/17
|
Marche des gorges bleues
|
1
|
VII/9
|
Souvenir
|
2
|
VIII/32
|
Sinfonietta
|
17
|
VI/18
|
Mladi
|
4
|
VII/10
|
|
|
|
Danube
|
2
|
IX/7
|
Concertino
|
10
|
VII/10
|
|
|
|
Concerto pour violon
"Pélerinage d'une âme"
|
5
|
IX/10
|
Capriccio
|
7
|
VII/12
|
|
|
|
Scluck und Jau
|
1
|
IX/11
|
Quatuor n° 2
|
13
|
VII/13
|
|
|
|
Ce tableau montre que durant ces sept années, tout
discophile
pouvait choisir au moins une version des œuvres
maîtresses
dans l'ensemble des genres visités par le compositeur
morave. Si
le compte bancaire du mélomane lui permettait d'acheter sans
compter (hypothèse d'école un peu
hasardeuse…) il
pouvait se constituer une discothèque très
représentative de l'univers de Janáček y compris
avec des
pièces plus anectodiques - c'est la raison de la
présence de Exaudi
Deus, de Regnum
mundi et de la Messe en mi b,
inachevée, dans cette liste - des
différentes périodes
créatrices du musicien puisque 57 œuvres sont
disponibles
sur un catalogue d'environ 180. Evidemment, dans la production chorale
relalivement abondante de Janáček, les onze
chœurs
enregistrés durant cette période ne peuvent
prétendre représenter les 44 pièces
pour voix
d'hommes ou de de femmes ou encore voix mixtes. Ils incarnent
pourtant ses pièces les plus abouties de sa production de
chant choral. Dans les autres domaines, ne pas
connaître le Benedictus
ou Pour les
frères Mrstik,
deux piécettes de 15 à 30 secondes,
n'empêche
pas d'appréhender le génie du compositeur morave.
De
très nombreuses pièces de
circonstance, courtes de surcroît, parsèment la
production
de Janáček et il n'est nul besoin de les
fréquenter pour
pénétrer quand même dans son monde et
en
apprécier les beautés sombres et claires,
profondes et
légères, riantes et mélancoliques.
Deux opéras
édités en CD

œuvres inspirées par la musique populaire morave -
deux CD
Saluons au passage l'initiative de la firme tchèque
Supraphon
avec une édition de quatre disques s'étalant de
1994
jusqu'à 1998 sous le titre générique
"Janáček inconnu" présentant des œuvres
non
enregistrées jusqu' à cette date, Rakos Rakoczy, les
différentes pièces religieuses écrites
par le
compositeur au cours de ses études à l'Ecole
d'Orgue de
Prague en 1874/5, par exemple et différentes variantes de
pièces connues dans leur édition
définitive.
Entendre les premières pièces du Sentier recouvert
jouées
sur un harmonium, tel que l'avait pensé tout
d'abord le compositeur, permet d'entrer plus
précisément
dans le processus créateur du musicien morave. La remarque
que
nous formulions un peu plus haut sur les piécettes qui
parsèment sa production s'applique aux œuvres
rassemblées sur ce disque. Mais le mélomane avide
d'explorer toutes les facettes du compositeur en fera son miel !
Faisons une nouvelle pause en 1994 avec un numéro
spécial
de la
revue Diapason comme elle en réalisait
régulièrement en élisant en 1 500
enregistrements
la discothèque idéale à partir des CD
disponibles
sur le marché. Smetana n'est
représenté à
cette date que par 3 disques, Dvořák par 14
coffrets ou
disques simples (dont un coffret de 9 CD rassemblant les quatuors et
un coffret de 6 pour les
symphonies), Janáček par 10
disques et le Hongrois Bela Bartók par 13 disques
ou
coffrets. Dans ce voisinage, la quantité de musique
enregistrée du
compositeur morave n'a pas à rougir d'autant que l'on y
trouve
à deux exceptions près l'ensemble des
œuvres de
la maturité ou représentatives du
génie
janáčekien *, notamment quatre des cinq grands
opéras.
* il ne
manque que l'opéra La
petite renarde rusée et au moins une des
grandes œuvres chorales, Kantor Halfar par
exemple.
Œuvres
de Janáček constituant
la discothèque idéale (1994) |
opéras |
œuvres
religieuses |
chant
orchestral |
chœurs |
Jenufa |
|
Messe
glagolitique (2 fois) |
|
l'Affaire
Makropoulos |
|
De la maison des morts |
Kata Kabanova |
Chants |
Orchestre |
Musique
de chambre |
Piano |
Rikadla |
Danses
de Lachie |
Mladi |
Sonate
1905 |
Journal
d'un disparu |
Sinfonietta |
Quatuor
à cordes n° 1 |
Sur un
sentier recouvert |
|
Taras Bulba |
Quatuor à
cordes n° 2 |
Dans les brumes |
L'Enfant du violoneux |
Sonate pour violon |
Souvenir |
Jalousie |
|
|
Petite renarde
rusée (suite) |
5. Quatre
œuvres particulières
Quatre œuvres très représentatives de
musique
orchestrale et de musique de chambre pour tenter de
compléter un
peu le répertoire de Janáček ont
été
retenues. Le simple examen du nombre
de versions montre là encore une courbe croissante. Par
ailleurs, il n'est plus indispensable de se tourner
vers l'éditeur tchèque Supraphon pour
découvrir un enregistrement
remarquable. Au même titre que les quatuors à
cordes de
Debussy et
Ravel, en France, que ceux du Hongrois Bartok ou encore ceux du Russe
Chostakovitch, ceux de Janáček ont fini par attirer
l'attention des instrumentistes à cordes de telle sorte que
les
quatuors les plus talentueux
(Berg, Guarneri, Julliard, Lindsay, Hagen, Petersen…) se
sont
emparés de ces
deux ouvrages, les faisant ainsi entrer dans le
panthéon de ce type de répertoire. Leur
difficulté ne rebute plus les instrumentistes à
cordes.
Il est vrai que tout au long de la seconde moitié du XXe
siècle les quatuors tchèques,
Smetana, Janáček,
Vlach, Panocha, Stamic, Dolezal, Talich, Prazak ou Skampa ont
défriché
le terrain de belle manière ! Les musiciens et les
éditeurs de
disques de toutes nations se sont emparés de
l'œuvre du
compositeur morave, preuve supplémentaire qu'en cette fin du
XXè siècle et de début du
XXIè
siècle, sa production a trouvé des
interprètes et
des auditeurs. Enfin !
pourrait-on ajouter. La même remarque prévaut pour
l'œuvre de piano. Alors que jusqu'au tournant des
années
80, elle fut quasiment l'apanage des interprètes de
nationalité tchèque (Eva Bernathova, Rudolf
Firkusny,
Josef Palenicek, Ivan Klansky, Radoslav Kvapil, Ivan Moravec,
etc…) à partir de cette date
charnière, des
pianistes venant d'Afrique du Sud (Lamar Crawson), de
Norvège
(Hakon Austbo, Leif Ove Andsnes), de Grande Bretagne (Paul Crossley,
Thomas Ades), de Chypre (Marios Papadopoulos), des Pays-Bas (Jet
Röling), de Russie (Mikaïl Rudy, Viktoria Posnikova),
de
Hongrie (Andras Schiff), d'Autriche (Edith Kraus, Thomas Hlavatsch),
d'Israël (Gilead Mishory), d'Italie (Massimiliano Damerini) et
de
France (Alain Planès, Aldo Ciccolini)
s'emparèrent de
cette œuvre et en l'interprétant lui
confèrèrent une dimension universelle. Et la
liste n'est
pas finie ! Pour un ouvrage aussi poétique que Pohadka,
où le violoncelle ne brille
pas par sa virtuosité mais chante pleinement, actuellement
aucune
vedette de l'archet n'a daigné participé
à un
enregistrement. Des
"seconds couteaux" ont relevé le gant, solistes
tchèques
comme Milos
Sadlo, Evzen Rattay et Marek Jerie, membre du trio Guarneri de Prague,
des Finlandais, Mats Rondin et
Anssi Karttunen, notre jeune et talentueuse représentante
Anne
Gastinel, ainsi que Stefen Isselis, Wen-Sinn Yang, Martin Ostertag,
Esther Nyffenegger, Henrik Brendstrup, Christopher van Kampen, le
violoncelliste britannique du fameux Quatuor Lindsay, Bernard
Gregor-Smith et une jeune instrumentiste prometteuse, Alisa
Weilerstein. En ce qui concerne
les chefs d'orchestre, une même évolution se
constatait,
mais dans un tempo accéléré. Si
jusqu'en 1980,
treize chefs différents avaient déjà
enregistré une œuvre orchestrale de
Janáček, six
provenaient de Tchécoslovaquie. Parmi les autres, il faut
noter
la présence de George Szell (Hongrois d'origine), de Leonard
Bernstein et du jeune Seiji Ozawa. Quant à Charles
Mackerras,
après une première gravure en 1959, il avait
dû
ronger son frein pendant presque vingt ans avant que la
prestigieuse firme Decca ne consente à enregistrer un
opéra
de son compositeur fétiche. A partir des années
80,
nombre de chefs d'autres nationalités imposèrent
le
Morave Janáček, et parmi eux, quelques
célébrités, tels Claudio Abbado,
toujours curieux
de répertoires délaissés, les chefs
allemands
Michaël Gielen et Kurt Masur, Christoph von Dohnanyi, le
Britannique John Eliot
Gardiner, l'Italien Riccardo Chailly et le Néerlandais
Bernard
Haitink. Parmi les œuvres
choisies par les chefs et acceptées par leur maison
d'édition, les trois compositions de la maturité,
la Sinfonietta,
Taras Bulba
et la Messe glagolitique,
mais aussi, plus étonnant, la Suite pour cordes
de la jeunesse du compositeur.
œuvres |
date |
opus |
|
disponibles en |
1958 |
1971 |
1987 |
1997 |
2005 |
Sur
un sentier recouvert |
1908 |
VIII/17 |
0 |
1 |
2 |
7 |
8 |
Conte
(Pohadka) |
1912 |
VII/5 |
1 |
0 |
0 |
7 |
3 |
Sinfonietta |
1926 |
VI/18 |
2 |
1 |
5 |
13 |
12 |
Quatuor
"Lettres intimes" |
1928 |
VII/13 |
0 |
2 |
5 |
15 |
19 |
Total : |
3 |
4 |
12 |
42 |
42 |
De la pauvreté d'enregistrements en 1971, encore
constatée en 1987, on passe à une certaine
richesse en 1997,
richesse toujours présente actuellement, voire
même
amplifiée, sauf pour la magnifique composition pour
violoncelle
(Pohadka)
dont on peut s'étonner qu'elle reste toujours aussi peu
visitée par les instrumentistes.
(retour
au sommaire)
6. Conclusion
Alors que l'importance de Janáček dans la
musique du
début du XXè siècle est aujourd'hui
reconnue,
alors que sa discographie présente l'ensemble de sa
production,
y compris les travaux inachevés, les esquisses, des
piècettes de quelques secondes, on peut mesurer le chemin
parcouru depuis les années 60. Le
cercle des interprètes spécialisés
dans cette
musique s'est agrandi. Il reste néanmoins à
gagner une
dernière étape. Voir paraître
très
régulièrement de nouveaux enregistrements de
provenances les plus variées pour imposer le
caractère universel du créateur
Janáček et pouvoir
à tout moment tenter l'aventure de l'exploration de son
territoire musical, sans tomber dans un jeu de piste
aléatoire,
c'est le moins que l'on puisse attendre de l'édition
discographique actuelle. Savoir par ailleurs que la plupart des
enregistrements
historiques réalisés par des musiciens qui ont
fréquenté le compositeur restent disponibles,
constitue un privilège
que nous, auditeurs du XXIè siècle, pouvons
apprécier à sa juste valeur.
Formons donc des vœux pour que la situation discographique
actuelle continue à s'enrichir et à se
diversifier !
Joseph Colomb - mars 2006
Je
remercie infiniment Mme Breuil, responsable de la section
discothèque de la médiathèque Aragon
de Rive de
Gier pour son aide - ainsi que ses collaborateurs - pour la mise
à ma disposition des archives de
la revue Diapason de ces quinze dernières années.
Grand merci également à Michel Pouzadoux qui m'a
prété
ses précieux microsillons pour illustrer quelques-uns des
enregistrements de la
musique de Janáček.