La diffusion de la musique de Janáček en France | ||
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du vivant de Janáček | avant 1939 | de 1939 à 1945 | de 1945 à 1969 | de 1969 à 1987 | de 1987 à 2000 | autres structures |
opéras |
Comment
s'est
effectuée la réception française de
la musique de Janáček ? Pour répondre
à cette
question, je me propose d'examiner la diffusion de cette
musique à travers deux exemples. Mais
tout d'abord, je noterai les lieux
où apparut sa musique de
Janáček de son vivant
ainsi que celle de ses contemporains et cadets
tchèques et
ce jusqu'en 1939. Ensuite, je me
pencherai sur deux programmations particulières. L'une,
parisienne, concerne la Société des Concerts du
Conservatoire, l'autre, lyonnaise, la Société des
Grands
Concerts.
J'analyserai le contenu des concerts de la
Société
des concerts du conservatoire sur une période relativement
étendue, une cinquantaine d'années, de 1928 -
date de la
disparition de Janáček jusqu'à 1967 -
année
où cette Société cessa l'organisation
de concerts,
l'orchestre de Paris prenant sa suite. (1) Pourquoi ce choix
?
Cette société, sans éclipser les
autres
sociétés de concerts parisiennes (orchestre
Lamoureux,
orchestre Colonne ou autres sociétés d'existence
plus
éphémère) a traversé le
siècle et
a reposé sur une institution solide, le conservatoire de
musique de
Paris. La permanence de sa programmation (elle existe depuis 1838 !)
détermine les grandes lignes de force de la diffusion
musicale
symphonique et montre l'éclosion de mouvements musicaux ou
d'individualités et à contrario la permanence
d'écoles. Mais voir apparaître les compositions de
Janáček et plus généralement la
musique
tchèque à travers les œuvres des
compositeurs
bohêmiens et moraves par
l'intermédiaire des
interprètes tchèques ou d'autres
nationalités permet de mieux comprendre la
facilité ou la difficulté à tout un
répertoire particulier à s'imposer sur le sol
français. Afin d'échapper à une
centralisation
parisienne trop prégnante, je consacrerai l'autre partie de
cette
étude à
la programmation lyonnaise de la Société des
Grands
Concerts de cette ville qui naquit en 1905, se développa et
se
transforma dans les années 70 pour devenir l'Orchestre
National
de Lyon. Pour plus de clarté et afin de suivre
l'évolution chronologique de l'apparition de la musique
tchèque, ces études se répartiront sur
plusieurs
périodes historiques que le bandeau ci-dessus
précise
auxquelles le lecteur pourra se référer
successivement.
Une étude succincte d'un ensemble choral de haut niveau
créé dans les années 1980, un festival
de musique
de chambre de très haute tenue joueront les rôles
de témoin
dans leur catégorie et leur programmation sera
étudiée dans l'article "autres structures" pour
élargir un peu notre champ de vision, enfin une place sera
réservée à l'arrivée sur
les scènes
françaises des opéras de Janáček.
La conscience de l'existence musicale du peuple tchèque se déclina dans le dernier quart du XIXè siècle lorsque parvinrent en France les succès de Smetana et de Dvorak dans leur pays. Cette lente pénétration de la musique de Dvorak en France a été excellemment décrite par Alain Chotil-Fani dans un livre à paraître prochainement chez Buchet-Chastel. La Tchécoslovaquie (et les peuples qui la composaient) détachée de l'immense Empire autrichien depuis son indépendance acquise en 1918 devint rapidement une entité que l'on appréhenda progressivement en France. L'Europe changeait. De nouveaux pays naissaient dans sa partie centrale. En plein bouillonnement artistique, les yeux et les oreilles des mélomanes se tournèrent plus volontiers vers l'est et ne sautèrent plus d'Allemagne jusqu'en Russie sans ignorer ces nouveaux pays. Janáček qui, à ce moment-là, commençait seulement à être reconnu dans son pays ne représentait pas une tête d'affiche pour nous, européens occidentaux. Il ne pouvait être identifié que dans un mouvement général de curiosité envers la musique tchèque qui l'englobait au même titre que ses compatriotes de la même génération que lui et des suivantes.
Lors de ses études au Monastère des Augustins à Brno, la première activité musicale du petit Leoš avait consisté à chanter dans le chœur des pensionnaires sous la conduite de son maître Pavel Křížkovský à qui, à l'âge de dix-huit ans, il succéda. Les premières compositions qu'il réalisa, il les destina au chœur Svatopluk dont il assura la direction à partir de 1873. La première rencontre entre le public français et la musique de Janáček eut lieu justement par l'intermédiaire d'un chœur, Marycka Magdonova, IV/35, à l'occasion d'une tournée de la Société chorale des Instituteurs moraves et de leur chef Ferdinand Vach du 25 au 29 avril 1908 à Paris. Cette chorale venait juste de créer cet ouvrage quelques jours auparavant en Moravie, à Prostĕjov, le 12 avril. Cette sombre ballade, première d'une série de trois écrite sur des vers de Petr Bezruc, les Parisiens chanceux qui assistèrent au concert le lundi 27 avril au Théâtre du Châtelet la découvrirent ainsi quelques jours après le public morave. Ils eurent l'insigne avantage de prendre contact avec une œuvre maîtresse du musicien de Brno. Quel retentissement eut-elle ? Les organisateurs mirent-ils à la disposition du public une traduction du poème pour leur permettre de mieux suivre le chant ? Les Instituteurs moraves récidivèrent le surlendemain au théâtre Sarah Bernardt avec deux extraits des Quatre chœurs pour voix d'homme, IV/28, Dež viš (Puisque tu sais) et Klekánica (le Fantôme du soir).
A la suite de ces trois concerts, Louis Balsan, chroniqueur
de la revue Musica, dans son numéro 69
du mois de juin 1908, ne s'exprima pas de manière
très précise. Il
souligna cependant :
Cette société chorale morave, à l'invitation du sculpteur Auguste Rodin, donna un concert privé dans son atelier à Meudon. Ni la date exacte, ni le programme ne me sont connus. Rodin manifestait ainsi sa reconnaissance aux peuples des pays tchèques pour l'hospitalité qu'il avait perçu lors de son périple au pays de Janáček au cours de l'année 1902, profitant d'une grande exposition à Prague consacrée à son œuvre pour prendre contact avec les artistes tchèques et moraves.
Dans le Guide Musical n° 21-22 des 25/05 et 01/06/1913, p. 420-421, sous la signature d'A. de Chirico, on put lire un article qui concerne notre sujet et dont voici un extrait (l'orthographe est respectée).
Onze ans plus tard, les auditeurs qui avaient assisté à ce premier concert de la Société Chorale des Instituteurs Tchèques purent retrouver cet ensemble et Maryčka Magdonová, interprétée une seconde fois à Paris, le 5 juin 1919, au cours du concert de clôture d'un festival de musique tchèque, tandis que les nouveaux auditeurs découvraient ce chœur de Janáček. Quelque six mois auparavant, la République Tchècoslovaque naissait sur les cendres de l'Empire Austro-Hongrois vaincu. Les autorités politiques ne perdirent pas de temps. Des relations s'étaient établies avant guerre entre des artistes et intellectuels français et certains de leurs homologues tchèques qui vivaient encore sous la coupe de l'Empire autrichien. Il fallait les reprendre, les officialiser, les raffermir. Rien de tel que la musique, langage universel et ambassadeur pacifique, pour rapprocher les peuples. Un festival de musique tchécoslovaque avec la participation des meilleurs musiciens tchèques fut organisé au printemps 1919 à Paris, mais aussi à Londres et en Suisse. La tournée comprit l'orchestre du Théâtre National dirigé par son chef Karel Kovařovic, la grande soprano Ema Destinnová, les pianistes Václav Štěpán et Jan Herman, le violoniste Jaroslav Kocian, le fameux Quatuor Tchèque et la non moins fameuse Chorale des Instituteurs Moraves.
Trois ans passèrent et en 1922 le ténor danois Mischa Léon, accompagné par le pianiste-compositeur anglais Harold Craxton (1885 - 1971) interpréta le Journal d'un disparu un peu plus d'un an après sa création à Brno le 18 avril 1921, après l'avoir porté à Londres en octobre 1922. Dans la salle des concerts du Conservatoire de Paris, le 15 décembre, le ténor danois chanta en tchèque une tranche de vie de ce jeune paysan, Janik, tombant amoureux d'une brune tzigane, Zefka, abandonnant sa famille et sa terre pour la suivre. Là encore, il s'agissait d'une œuvre maîtresse de Janáček. Quel fut l'impact sur le public, sur la critique, le milieu musical parisien ? En fait, l'essentiel du public ne connaissant pas le tchèque eut beaucoup de difficultés à saisir l'interaction entre le texte et la musique, une musique qui ne ressemblait en rien aux mélodies françaises ni aux lieder allemands auxquels les auditeurs étaient habitués. "Voilà une musique bizarre" durent penser un grand nombre d'auditeurs anticipant la réaction du critique montpelliérain que nous trouverons un peu plus loin.
Dès le début de l'année 1920, grâce aux efforts conjoints de la pianiste Blanche Selva et du Quatuor Tchèque, les auditeurs lyonnais entendirent, à la suite du beau Quintette de César Franck, le Sextuor d'un jeune compositeur tchécoslovaque, Václav Štěpán dans le cadre des Grands Concerts. Si je le cite ici, c'est que, en tant qu'interprète, il offrit un peu plus tard au public lyonnais une œuvre de Janáček sur les touches de son piano.
Blanche Selva écrivit quelques jours plus tard à ce critique, Léon Vallas, professeur au conservatoire de musique de Lyon et en même temps organisateur de concerts de musique de chambre, les Petits Concerts en opposition aux Grands Concerts dédiés à la musique symphonique, un courrier dans lequel elle vantait l'école tchèque :
Ainsi, l'artiste française, amie du sévère Vincent d'Indy, professeur depuis peu au conservatoire de musique de Prague, signalait-elle une école musicale qu'elle jugeait attachante à une personnalité lyonnaise. Elle ne se contentait point d'inciter les organisateurs de concert à faciliter la diffusion de musique tchèque, elle participait elle-même à cette reconnaissance en jouant par exemple, le 2 mai 1920 à la Salle Gaveau, à Paris, dans le cadre des concerts Huyghens, des pièces de Josef Suk, Václav Štěpán et Vítĕzslav Novák au milieu d'œuvres de Bach, Mozart, Beethoven, Debussy, Déodat de Séverac, Stravinsky et Maurice Delage. Heureux éclectisme qu'on aimerait retrouver plus souvent dans les concerts actuels !
Léon Vallas n'allait point tarder à saisir la perche tendue. Dès le début de l'année 1921, il organisait un concert de musique tchèque proposant une série de premières auditions d'ouvrages de Josef Suk, Vítĕzslav Novák, de Ladislav Vycpálek, de Jaroslav Křička et Václav Štěpán dont l'exécution était confiée aux bons soins de Blanche Selva au piano, de la cantatrice lyonnaise Paule de Lestang, en tant que soliste, et du Chœur de chambre qu'elle dirigeait.
Dans le journal Lyon républicain du 1er février 1921, sous la plume du rédacteur qui se cache derrière ses initiales G.M., on découvre sous la forme d'une belle coquille l'aveu de la méconnaissance complète de la musique de ce pays :" Hier, nous ont été donnés les auteurs tchécoslovaques dont les plus connus sont Suk et Stepom." (ce dernier nom avec son écriture plus qu'approximative dissimule donc Štěpán). Il avoua avoir été sensible à certaines pièces, mais releva une musique "sans grande originalité". En réplique, dans le Sud-Est du 4 février de la même année, le journaliste qui signait seulement de ses initiales A.F. perçut les motivations de la pianiste :
Le succès des Ballets Russes de Diaghilev apportant dans ses bagages les parfums orientaux d'une musique russe encore peu jouée en France, la création française de Boris Godounov en 1907, les ouvrages symphoniques de Rimsky Korsakov avec leur orchestration rutilante avaient réveillé le rêve d'orient encore enfoui dans la conscience collective de l'auditoire français qui s'était déjà abandonné aux sonorités capiteuses d'un Claude Debussy. Mais on appréhendait mal la réalité politique et culturelle sitôt dépassé la capitale autrichienne. Tout ce qui se situait à l'est de Vienne semblait uniformément slave, uniformément russe. Les compositeurs bohêmiens et moraves ne pouvaient s'exprimer que dans le même langage que celui de leurs homologues russes, telles du moins les croyances s'établissaient. Lorsque la fin de la première guerre mondiale révéla l'existence en Europe Centrale de nouveaux états, de nouveaux peuples, de nouvelles cultures, de nouvelles musiques, les mélomanes français s'aperçurent que leurs fantasmes ne correspondaient pas à la réalité. La réception de ces nouvelles musiques ne s'en trouva pas facilitée. Si un grand nombre de musiciens tchécoslovaques plaçaient leurs espoirs dans la culture française - Paris paraissant de manière incontestable la capitale musicale européenne - la rencontre avec l'intelligentsia française, la compréhension réciproque entre les deux cultures fut plutôt source de désillusions qu'appuis déterminés.
Lyon dans ces jours du printemps 1922 devenait-elle une vitrine française de la Tchécoslovaquie ? On aurait pu le croire tant sa musique s'insinua dans les matinées et soirées données entre Saône et Rhône. Nous retiendrons le témoignage de Léon Vallas, actif auditeur de cette programmation.
Révélateur des intentions de l'organisateur, le concert du 9 avril 1922 pour promotion de la musique moderne. Après avoir rendu hommage à deux grands maîtres allemands du passé, Schubert et Schumann, le programme leva le voile sur la musique française d'aujourd'hui par l'intermédiaire de deux pièces pour piano récentes de Roger-Ducasse et d'Antoine Mariotte et des belles Inscriptions champêtres d'André Caplet. Le projecteur se braqua sur la musique étrangère qu'illustrèrent des pièces pour piano de Bartok et Kodaly, la suite de l'Histoire du soldat pour violon, clarinette et piano de Stravinsky et enfin trois chœurs pour voix de femmes (le dernier avec accompagnement de piano) de Václav Štěpán.
Toujours sur invitation de Léon Vallas, à Lyon, le pianiste tchèque Václav Štěpán - dont les auditeurs avaient goûté trois chants quelques jours plus tôt - proposa un programme de musique de son pays qui remplissait entièrement le concert qu'il donna le 11 mai 1922 dans la salle du conservatoire. Depuis seulement quelques mois, un petit état venait de naître dans l'Europe centrale et une nouvelle nationalité apparaissait. Un concert de musique tchécoslovaque représentait une double nouveauté : ces musiciens dégagés de la gangue de l'ex Empire autrichien pouvaient revendiquer à la fois leur originalité musicale et leur particularité nationale. Pour dégager la singularité d'une telle prestation, et même si aucun ouvrage de Janáček ne fut joué à cette occasion, nous citerons in extenso l'article que le musicologue Léon Vallas rédigea dans les colonne du quotidien lyonnais Le Salut public, occupant entièrement le cadre de sa chronique musicale hebdomadaire.
Comme vous pouvez vous en apercevoir, lecteur, le rédacteur de cet article de presse a approché le pianiste tchèque qui a conquis sa sympathie ! Mais il est révélateur d'un certain état d'esprit lorsque le journaliste souligne les similitudes d'opinions et les parentés musicales entre ce représentant d'Europe centrale et lui-même, musicologue français attentif à l'état de la création actuelle musicale française.
Autre point de vue, celui de Fellot, dans le Nouvelliste daté du 21 mai 1922 : "La musique tchèque, on l'a déjà remarqué, et qu'il s'agisse de Smetana ou d'un compositeur vivant, ne s'apparente nullement à la musique russe moderne ou orientale. Elle n'en a ni le brillant, ni la technique somptueuse. […] Etrange et heurtée, elle paraît souvent rétrograde. C'est surtout par la sincérité de l'émotion et la franchise expansive du sentiment qu'elle intéresse. Et les idées qu'elle met en œuvre sont généralement supérieures en qualité au revêtement sonore dont elles sont parfois assez pauvrement parées."
Signe de l'importance de ce concert, un bref compte-rendu en fut donné dans Listy Hudebni Matice de Prague en mai 1922. La ville de Lyon pouvait presque passer pour une succursale de la capitale tchèque !Regardons maintenant cet événement depuis notre place des premières années du XXIè siècle et demandons-nous si nous avons beaucoup progressé depuis dans notre connaissance de la musique tchèque. Qui a entendu, au cours d'un concert public, dans une retransmission radiophonique ou encore sur disque, une œuvre de Vomáčka, de Křička, de Vycpálek ou de Václav Štěpán ? Quelle pratique réelle avons-nous de la musique de Suk et de celle de Novák que l'histoire a pourtant moins négligée que leurs autres collègues ? Ajoutons que le nom de Václav Štěpán semble actuellement quasiment inconnu, y compris en République tchèque, tant les catalogues des éditeurs de disques restent discrets à propos de ce musicien. Succès d'hier, ingratitude aujourd'hui ! Quelques clés s'imposent pour mieux saisir cette situation. Blanche Selva, la pianiste française qui introduisit la musique tchèque en France, essentiellement à Paris et à Lyon, fut longtemps une propagandiste des orientations scholistes de son maître Vincent d'Indy. La communauté musicale lyonnaise du début du siècle se reconnaissait de ce courant artistique, Georges-Martin Witkowski un peu avant de lancer la Société des Grands Concerts créa une Schola cantorum, aidé en cela par Léon Vallas. Blanche Selva devint naturellement coutumière de Witkowski et de Vallas. Par ailleurs, Václav Štěpán, ce pianiste tchèque qui joua un si grand rôle dans la pénétration de la musique de ses compatriotes en France, effectua plusieurs séjours à Paris quelques mois après la fin de la guerre pour affiner sa formation auprès de Blanche Selva qui, elle-même, professa au conservatoire de Prague de 1920 à 1924. Un réseau était constitué. Il fonctionna remarquablement au service de la musique tchèque pendant cette courte période de quatre à cinq ans.
Il faut croire que Václav Štěpán sut se montrer très persuasif, à la suite de Blanche Selva, puisque Léon Vallas, musicologue, Paule de Lestang, soprano et pianiste, et Ennemond Trillat, pianiste, tous trois professeurs au Conservatoire de musique de Lyon, entreprirent en novembre 1922 une tournée de conférences et de concerts consacrés à la musique française moderne, qui les mena de Vienne à Budapest et jusqu'à Zagreb, mais surtout en Tchécoslovaquie. Ils restèrent huit jours à Prague, donnant quatre concerts différents au cours desquels ils offrirent de la musique de Debussy, César Franck, Duparc, Fauré, Charles Bordes, Ravel, Chabrier, Florent Schmitt, Ropartz, Roger-Ducasse, Antoine Mariotte, Saint-Saëns, Germaine Tailleferre, Louis Durey, Poulenc, Milhaud, Auric, Migot, entre autres, brossant ainsi un large panorama de la production française contemporaine. Nul doute qu'ils échangèrent nombre d'idées avec certains de leurs homologues tchèques et qu'ils en profitèrent pour parfaire leur connaissance de la musique de ce pays. Ils poussèrent jusqu'à Bratislava en passant par Brno. Même si leur halte fut très courte dans la capitale morave, comment auraient-ils pu ne pas entendre parler de Janáček et ne pas comprendre l'importance que ses concitoyens lui accordaient alors que son opéra le plus récent Kata Kabanova y avait triomphé un an auparavant ?
Nouveau concert lyonnais avec de la musique tchèque le 11 février 1923. Dans sa chronique musicale (Le Salut public du samedi 17 février), Léon Vallas relatait :
Distinguons l'adjectif accolé à Janáček : étrange. Comme c'est la première apparition d'un ouvrage du compositeur morave et vraisemblablement l'une des toutes premières fois qu'on entend le nom de Janáček à Lyon, très probablement, Václav Štěpán a dû lui-même informer ses hôtes sur son collège morave. Pour quelqu'un qui se veut en dehors des normes musicales, il n'est pas étonnant que la majorité des auditeurs ressente un effet bizarre à l'écoute de sa musique. De quelle pièce s'agit-il ? Si le musicologue lyonnais ne nous livre aucune information sur son titre, un très récent et très documenté article de Marianne Frippiat paru dans la revue Opus Musicum de Brno (n° 1 de 2006) nous suggère qu'il s'agit du recueil Dans les brumes. La notice d'accompagnement du concert que je viens de retrouver indique clairement la présence de ce recueil, d'ailleurs première pièce de la partie tchèque (voir la photographie ci-dessus). Remarquons que l'enthousiasme du musicologue envers la musique tchèque en général semble s'être particulièrement émoussé, la musique de Vomáčka, Křička, Suk, (et Janáček absent du concert précédent) lui semblant maintenant bien plus fade, mais Václav Štěpán, auquel des liens d'amitié maintenant l'attachaient, continuait d'obtenir tous ses suffrages !
Dans Le Progrès de Lyon du 14 février, parut un court article non signé dont nous extrayons ces paragraphes :A son tour, le 3 mars, l'organe parisien Comoedia publiait sous le titre "Musiques tchécoslovaques" le texte suivant :
Sans doute l'honorable rédacteur du Progrès de Lyon avait besoin d'une sieste puisqu'il n'entendit que deux pièces du recueil Dans les brumes, alors que le programme spécifiait bien les titres de chacun des quatre morceaux que le commentateur de Comoedia, lui, avait bien entendus ! La connaissance du pays tchèque s'avérait peu convaincante puisqu'on confondait allègrement la Moravie avec la Slovaquie que le critique annonçait comme région d'origine du compositeur. Quant à la mélodie du langage, l'appréhension de cette théorie janacekienne ne faisait pas partie des préoccupations musicales de l'époque. Ne nous étonnons pas trop cependant de l'incompréhension face aux brumes du compositeur morave, pourtant cousines par endroits de l'expression debussyste, il en va souvent ainsi des œuvres fortes, trop neuves pour être appréciées immédiatement. Et il est vrai que celles du compositeur morave ne livrent pas leur richesse dès le départ et qu'une seule audition s'avère insuffisante pour goûter pleinement à leurs charmes. Ajoutons que le rédacteur du Coemedia avait sans doute raté le concert parisien de Mischa-Léon deux mois plus tôt pour déclarer complètement inconnu le nom de Janáček ! N'imaginons pas non plus que cette réception, sinon hostile, du moins indifférente de la part des critiques et du public soit due à une interprétation indigente. Václav Štěpán venait de donner ce cycle en première audition pragoise tout comme il avait assuré la première du Journal d'un disparu dans la capitale tchèque. Sa pratique de la musique de piano de Janáček le mettait à l'abri d'un jeu erratique.
Quelques jours plus tard, le dimanche 25 février 1923, un ensemble tchèque se produisait au Conservatoire de Lyon. Le Progrès de Lyon sous une plume anonyme offrit ce compte-rendu à ses lecteurs du 28 février.
Remarquons l'acidité de la plume du commentateur et son attitude dubitative vis-à-vis du deuxième quatuor de Novak (opus 35, composé en 1905) qualifié de curieux. Visiblement, chaque musique et chaque interprétation qui sortaient du cadre habituel, connu, balisé de la musique classique et romantique allemande et de la musique française de ces mêmes époques étaient mal reçues. Novak pourtant bien sage dans son écriture musicale n'y échappa pas.
A Paris, en avril de cette année 1923, les Parisiens entendirent une nouvelle œuvre d'un compositeur tchèque, Josef Suk. Un bref compte-rendu non signé parut en mai dans La Revue Musicale :A la fin de l'année, un concert parisien de musique tchèque rassembla des œuvres de Smetana, Nesvera, Novak, Dvorak, Kricka et Kapral interprétés par des solistes tchèques et français après l'intervention d'un musicologue tchèque qui traça les grandes lignes de l'école tchèque.
En avril 1924, sous la signature de Marc Pincherle, la même Revue Musicale signalait la première audition d'une Suite de Josef Suk exécutée par une jeune violoniste polonaise, Maria Marco. En août dans les pages de cette revue, Marie Dormoy soulignait quelques caractéristiques de cette musique d'Europe centrale telle qu'elle les avait perçues au cours d'un festival de musique tchécoslovaque où des ouvrages de musique de chambre, Mon Pays de Smetana en particulier et des pièces orchestrales Carnaval de Dvorak, la Vltava et l'ouverture de la Fiancée vendue de Smetana par l'orchestre Lamoureux dirigé par Vaclav Talich rejoignaient des œuvres chorales.
De Paris, déplaçons-nous à Montpellier et ajoutons une année à l'horloge du temps. La chorale des Instituteurs moraves au cours d'une nouvelle tournée s'arrêta dans cette ville du Languedoc. Le compte-rendu de la presse est éloquent (orthographe des noms respectée) :
L'adjectif "bizarre" que le journaliste employa pour qualifier la musique de Janacek résumait sans doute assez bien l'impression générale. Par sa nouveauté, cette musique mettait l'auditeur mal à l'aise et des sentiments contradictoires l'envahissaient. Quant à l'évocation de la jeunesse du compositeur morave, celle du cœur et de l'esprit correspondait à la réalité, mais le rédacteur ne se doutait certainement pas qu'il vivait ses dernières années.
Le Conseil central des associations tchécoslovaques soutint un concert dans les murs de la Salle des Agriculteurs à Paris où, de Janáček et sous les doigts de Jane Mortier, on entendit le deuxième mouvement, Smrt, La Mort, de sa Sonate pour piano le 10 avril 1926. Un an plus tard, le 17 mars 1927, ce même mouvement de sonate fut redonné par cette pianiste à la salle Pleyel qui joua également les Trois danses tchèques (H 154) de Martinů tandis que deux instrumentistes tchèques interprétèrent en première audition son Duo n° 1 pour violon et violoncelle (H 157).
La Société Musicale Indépendante créée en 1909 en réaction contre la Société Nationale plus ancienne d'une trentaine d'années, plus repliée sur la musique française, plus conventionnelle pour la qualifier un peu vite, cette SMI ouvrit tout de suite ses programmes aux créateurs étrangers. Dès son premier concert, elle se tourna vers le Hongrois Zoltan Kodaly. Tout de suite après la guerre, du pianiste et compositeur tchèque Václav Štěpán les auditeurs entendirent au cours du concert du 23 mai 1919 son opus 5, Les premiers printemps, un quintette pour cordes et piano qu'il interpréta lui-même avec le concours du Quatuor tchèque (Bohémien), le compositeur Josef Suk tenant le second violon. Le mois suivant, le 13 juin, le même Quatuor Tchèque exécuta le quatuor opus 105 d' Antonín Dvořák. Deux ans plus tard, le 9 mai 1921, un autre quatuor tchèque, le Quatuor Sevcik-Lhotsky du nom conjoint d'un fameux pédagogue tchèque et du premier violon de l'ensemble défendit le premier quatuor de Smetana et le deuxième quatuor en ré majeur, opus 35 de Vítĕzslav Novák, une composition en deux mouvements. Un autre deuxième quatuor, celui de Bohuslav Martinů, trouva vie le 13 février 1930 à l'Ecole Normale de musique. Au concert suivant, le 5 mars, ce fut le tour de deux mélodies populaires slovaques de Václav Štěpán tandis que le 14 mai, le public découvrit la sonate pour violon et piano d'Erwin Schulhoff avec l'auteur au piano. Deux compositeurs se trouvèrent réunis au programme d'un concert, le 28 février, par deux pièces pour piano, une Danse due à Martinů et Boston sorti de la plume de Schulhoff, sous les doigts de la pianiste Lucette Descaves qui un peu plus tard joua un rôle efficace dans l'interprétation des concertos pour piano d'André Jolivet. En 1933, le 18 janvier, le Trio hongrois ajouta aux trios de ses compatriotes Tibor Harsanyi et de Laszlo Lajtha, Cinq pièces brèves pour trio de Martinů. L'école musicale tchèque révélait ainsi au public français une partie de sa richesse actuelle et ancienne.
La vénérable Société Nationale s'ouvrit peu à peu aux influences étrangères. La pianiste Blanche Selva, très liée à Vincent d'Indy, véritable figure tutelaire de cette Société, s'intéressait à la musique tchèque, comme nous l'avons déjà écrit. Probablement sous son influence, des compositions bohémiennes et moraves s'importèrent en France. Ainsi, le 31 janvier 1920, de Václav Štěpán, les auditeurs entendirent son Sextuor par le Quatuor Tchèque auquel s'étaient joints un altiste et un violoncelliste français et de Novák quelques mélodies chantées par la mezzo-soprano Claire Croiza accompagnée au piano par Blanche Selva justement. Une année passa et le 12 février Blanche Selva interpréta la suite pianistique en neuf pièces de Josef Suk, A travers la vie et le rêve. Le pianiste Václav Štěpán et la cantatrice Paule de Lestang donnèrent à Paris dans la salle de la Société des concerts le 29 avril 1922 un programme similaire à celui qu'ils proposèrent aux Lyonnais quelques jours plus tard : des mélodies de Vítĕzslav Novák, de Ladislav Vycpálek, de Jaroslav Křička et de Václav Štěpán lui-même. On retrouva les noms de Štěpán, de Křička et un nouveau venu à la Société Nationale, Jan Kunc dans des mélodies pour soprano et piano, lequel était tenu par Jacques Février qui s'illustra plus tard comme un interprète particulièrement bien inspiré dans la musique de son ami Francis Poulenc. Ce concert se tint le 24 février 1923. Enfin, le 3 mai 1924, le violoncelliste Jean Witkowski allié au compositeur interprétèrent le Poème de Štěpán qu'ils avaient déjà joué à Lyon l'année précédente. A la Société Nationale, la source tchèque se tarit provisoirement ce jour-là.
En 1928, aux orchestres Lamoureux, Pasdeloup, Colonne, à celui de la Société des Concerts du Conservatoire, s'ajouta un nouvel ensemble, l'orchestre symphonique de Paris soutenu par ses parrains, le pianiste Alfred Cortot et les chefs Louis Fourestier et Ernest Ansermet. Pierre Monteux, auréolé du prestige de la création en 1913 du Sacre du printemps, dirigea une partie de la saison 1929 du nouvel orchestre dans la salle Pleyel flambant neuve. Le 24 mai, pour son sixième concert, il inscrivit au programme la Sinfonietta de Janáček en première audition française. (4) Son auteur s'était éteint en août de l'année précédente, il ne put prendre connaissance de l'écho soulevé par cette première dans notre pays, alors que sa Sinfonietta s'imposait peu à peu, après sa création mondiale à Prague, le 19 juin 1926 et sa première exécution américaine à New-York sous la baguette d'Otto Klemperer..
Pour continuer de faire une légère entorse au titre de ce sujet, nous nous intéresserons aux années suivant la mort du compositeur en fixant 1939 comme limite. En fin d'année 1928, l'Ecole Normale de Musique donna un concert de musique de chambre tchécoslovaque, organisé par son directeur, Auguste Mangeot. Des œuvres de Smetana, Dvořák, Novák, Suk (Méditation sur le choral de Saint Venceslas pour quatuor) et Martinů y furent exécutées dont le Duo pour violon et violoncelle de ce dernier toucha le musicologue André Cœuroy. Tournons-nous maintenant du côté de la Société Nationale qui, dans ces années justement assouplit quelque peu ses règles de fonctionnement en ouvrant plus largement ses concerts à la musique étrangère. Le 31 janvier 1931, un peu plus de deux ans après la disparition du compositeur, le Quatuor de Prague joua le premier Quatuor de Janáček aux côtés de pièces de Sylvio Lazzari, Paul Bazelaire, Adolphe Borchard, Jean Cras, Daniel-Lesur, Edouard Sciortino et Tristan Klingsor. Si une partie du public s'interrogea sur le compositeur morave à cette occasion, quelles questions un public actuel à l'audition d'un tel programme se poserait-il ? En dehors de quelques pièces de Daniel-Lesur et de Jean Cras, qui a entendu une composition des cinq autres musiciens cités ? Au cours de cette même année 31, en juin, aux Concerts Alfred Cortot, à l'Ecole Normale de Musique fut présenté le Concertino pour piano et six instruments de Janáček. Probus dans un article décrivant "la musique tchécoslovaque d'après-guerre" paru dans le numéro 117/118 de La Revue Musicale (juillet-août 1931) consacré à la géographie musicale de l'Europe n'indiqua pas qui tenait la partie de piano ni qui l'accompagnait ni quel accueil le public réserva à cette œuvre que le rédacteur qualifia de "pur modernisme, dans le meilleur sens du mot" ? Le critique musical ne s'étendait pas là-dessus dans son article, au demeurant, fort intéressant et bien documenté.
Rendons-nous de nouveau à l'Ecole Normale de musique à Paris et avançons de quatre ans depuis l'audition du quatuor. Cette fois-ci, l'organisation des concerts reposait sur la société musicale Triton. Le 15 février 1935, elle consacra tout un concert à des musiciens tchèques : Silvestr Hippmann, Jaroslav Ježek, Jaroslav Křička, Karel Boleslav Jirák, Boleslav Vomáčka et Janáček. Le violoniste belge Robert Soëtens et la pianiste Germaine Leroux jouèrent sa sonate pour violon. Comme nous l'avons déjà indiqué dans un autre article de ce site - voir la perception française de la musique de Janáček à travers les écrits - elle laissa indifférente la compositrice Suzanne Demarquez qui assurait la critique dans la Revue Musicale. L'année suivante en mars et le 25 de ce mois, Germaine Leroux accompagna de son piano le ténor José de Trévi - dont on ne trouve pas le nom sur l'affiche de ce concert, remplaçant Georges Jouatte, empêché - et la mezzo Germaine Cernay pour une seconde lecture du Journal d'un disparu et non pour une première audition comme l'indique par erreur l'affiche, oubliant l'exécution de 1922. (5)
La Revue Musicale, dirigée par Henry Prunières, ne se contentait pas de sortir régulièrement sa revue nourrie de nombreux articles de musicologie, de critiques de concerts récents, de livres musicaux, des premiers disques, mais organisait quatre à cinq fois dans l'année des concerts où elle invitait des solistes et des musiciens chambristes. La pianiste Aline van Barentzen, la cantatrice Gilberte Arvez-Vernet de l'opéra, et les violonistes Hortense de Sampigny (dédicataire de la deuxième sonate pour violon et piano de Martinů - H 208 - qu'elle créa à Paris en 1933) et H. Arnitz se retrouvèrent le mardi 16 février 1937 pour un concert de musique tchécoslovaque en deux parties. La première fut occupée par des pièces de Novák, Vomáčka, Jirák, Martinů, tandis que la seconde fut dévolue à Julia Reisserova, compositrice qui étudia auprès d'Albert Roussel et Nadia Boulanger.
Enfin, en 1938, le 2 juin, toujours à Paris, sous l'égide de l'Association Internationale des Ecrivains pour la défense de la Culture, au moment où le pouvoir nazi faisait peser de lourdes menaces sur le sort de la Tchécoslovaquie, la jeune chef et compositrice Vítĕzslava Kaprálová (6) dirigea un concert entièrement consacré à la musique de ses compatriotes Smetana, Dvořák, Janáček, Martinů, Novák et Suk. Elle dirigea le concerto pour clavecin et petit orchestre (H 246) que son aîné, ami et professeur, Martinů, écrivit en 1935 et qu'il dédia à la brillante claveciniste Marcelle de Lacour, celle-là même qui l'interpréta de nouveau à ce concert. Quelle(s) œuvre(s) du compositeur morave fut jouée ? Nos recherches actuelles n'ont pas abouti. Le jeune pianiste tchèque Josef Palenicek prêta son concours à ces exécutions unissant son talent à celui d'un non moins jeune violoncelliste français de vingt-sept ans, André Navarra, dont la notoriété grandit au cours des années suivantes.
D'assez nombreuses exécutions d'ouvrages de Bohuslav Martinů eurent lieu à Paris de 1925 jusqu'à 1939, date limite de la présente étude. Ce compositeur, bien que né en Bohême et Tchèque jusqu'au bout des ongles, par ses études auprès d'Albert Roussel qui le soutint efficacement, vit s'ouvrir beaucoup plus facilement les programmes des concerts que la plupart de ses compatriotes. Par sa résidence parisienne prolongée, par son mariage avec une Française, il sut s'attirer l'attention et bientôt la sympathie de nombre de musiciens qu'il cotoyait régulièrement et progressivement se fondit dans le milieu musical parisien au point d'en faire partie intégrante au même titre que bien des compositeurs hexagonaux. Un peu comme le Polonais Alexandre Tansman et le Roumain Marcel Mihalovici qui le rejoignit au sein du comité exécutif de l'association Triton où ils resserrèrent les liens qu'ils avaient déjà noués avec nombre de musiciens français tels Milhaud, Honegger, Poulenc, Rivier, Ibert, Ferroud… Ces étrangers, sans renier leur culture d'origine, adoptèrent néanmoins une vie française que leur mariage respectif avec Colette Cras, fille du compositeur Jean Cras, pour Alexandre Tansman et la pianiste Monique Haas pour Mihalovici, renforça au point qu'ils constituèrent ce que l'on nomma l'Ecole de Paris. Le lecteur soucieux d'exhaustivité quant à la pénétration française de la musique tchèque pourra consulter avec profit le site www.martinu.cz/katalog/ (en tchèque et en anglais) où il trouvera une bonne vingtaine de créations d'œuvres de Martinů sur notre territoire. Mais il faudrait de nouvelles recherches, longues et patientes, pour dresser une liste d'autres auditions françaises de ses ouvrages…
Pendant quelques années, au début des années 20, il sembla qu'un intérêt poussait certains milieux musicaux français à regarder du côté de la République tchécoslovaque naissante, aidée en cela par les talents d'interprètes de la pianiste française Blanche Selva et de celui de son homologue tchèque, Václav Štěpán. Mais cet engouement relatif ne dépassa quasiment pas 1925. Il faudrait effectuer des recherches dans les programmes de concerts donnés pendant cette période dans toutes les régions de France, de la Bretagne à l'Alsace, du Nord à l'Aquitaine et en Provence, pour espérer trouver une autre diffusion de compositeurs tchèques si partielle soit elle et qui sait, d'autres ouvrages de Janáček que ceux dont nous dressons la liste ci-dessous… mais cette tâche dépasse actuellement nos moyens.
Dans l'état actuel des recherches, de 1908 à 1938, Janáček fut joué à treize reprises en France, dont sept de son vivant. C'est bien peu. Premières auditions parisiennes en 1908. Ensuite onze ans d'attente. Puis régulièrement, année après année, en sautant parfois de deux à quatre ans, un ouvrage était révélé au public français (en fait surtout parisien). Deux pièces pour piano, trois œuvres de musique de chambre, quatre chœurs, un ouvrage symphonique, un recueil de mélodies et rien d'autre. Si sa musique impressionna quelque peu et dérouta beaucoup, la faible fréquence de son exécution ne facilita pas la pénétration de celle-ci dans les milieux musicaux. Comme par ailleurs, les articles de revues spécialisées (à l'exception de La Revue Musicale) et de quotidiens ne parlaient que très peu du compositeur morave et que les disques 78 tours ne portaient pas d'intérêt au compositeur morave (7), bien peu de Français en 1939 pouvaient se vanter d'une connaissance de l'œuvre de Janáček si partielle soit-elle. Les interprètes tchèques jouèrent un rôle de premier plan (la Chorale des Instituteurs moraves, Václav Štěpán, le quatuor de Prague, Vítĕzslava Kaprálová), la pianiste Germaine Leroux dévouée à la cause musicale tchèque ne plaignit pas ses efforts, mais les interprètes français touchés par le compositeur morave n'étaient pas assez nombreux pour prendre le relais et jouer un rôle d'entraînement auprès des autres musiciens et du public. Ces semences se révélèrent infructueuses tout d'abord, noyées qu'elles étaient au milieu de pièces d'autres compositeurs tchèques d'où il était difficile de distinguer le bon grain de l'ivraie. Elles laissèrent néanmoins des traces chez quelques musiciens, musicologues et auditeurs. La germination s'avéra longue…
date | lieu | œuvre | opus | date | lieu | œuvre | opus | |
1908 | Paris | Marycka Magdonova | IV/35 | 1927 |
Paris | Sonate
pour piano |
VIII/19 |
|
Dež viš | IV/28 | 1929 | Paris | Sinfonietta | VI/18 | |||
Klekánica | IV/28 | 1931 | Paris | Quatuor n° 1 | VII/8 | |||
1919 | Paris | Maryčka Magdonová | IV/35 | 1931 | Paris | Concertino pour piano et six instruments | VII/11 | |
1922 | Paris | Journal d'un disparu | V/12 | 1935 |
Paris | Sonate pour violon | VII/7 | |
1923 | Lyon | Dans les brumes | VIII/22 | 1936 | Paris |
Journal d'un disparu | V/12 | |
1925 | Montpellier | Les 70 000 | IV/36 | 1938 | Paris | ? | - | |
1926 | Paris | Sonate pour piano | VIII/19 |