Le saviez-vous ? Certains maîtres avaient
déjà composé, en pleine époque romantique,
des rhapsodies roumaines ! Puis vint Enescu. Ses deux rhapsodies, loin
de clore le genre, suscitèrent quelques nouvelles compositions,
roumaines... ou presque.
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LA rhapsodie la plus enjouée, la plus typique, la plus
exubérante, n'est-elle pas à chercher du
côté d'Enescu ? Cette première rhapsodie
est de loin la plus jouée de son auteur, et s'il faut regretter
la fausse image qu'elle donne du compositeur roumain - qui était
tout sauf un auteur facile - on ne peut pas en revanche nier la
splendide réussite qu'elle représente. (*) Dont la hora, ronde de danseurs, et la célèbre citation de l'air de l'alouette - Ciocârlie. Cette musique populaire roumaine est souvent reprise par les musiciens tziganes, et a inspiré Goran Bregovic pour la musique du film Undergroud, d'Emir Kusturica. Ceux qui s'attendent avec la seconde rhapsodie
à un autre sommet virtuose sont quelque peu
décontenancés. La seconde rhapsodie est placide,
philosophe et fait cette fois-ci la part belle à la nostalgie,
au dor roumain. Elle évoque le meilleur de l'Enescu en
devenir, les doina des suites pour orchestre et d'Oedipe. |
Amateur éclairé, le jeune Ciprian Porumbescu a laissé une poignée d'œuvrettes pas toujours très inspirées. Sa rhapsodie roumaine (1882) brille pourtant d'un feu particulier dans le catalogue de l'auteur roumain. Proche de celles de Liszt, elle bénéficie indéniablement de la luxuriante orchestration de Constantin Bobescu, qui a parfaitement su exploiter l'aspect naïvement festif de cette pièce sympathique. Ainsi mise en valeur, cette œuvre d'une dizaine de minutes - exactement la même durée que les deux rhapsodies d'Enescu - a une place de choix parmi les réussites du genre. On ne peut qu'encourager les organisateurs de concerts symphoniques un tant soit peu désireux de sortir des sentiers battus à remettre à l'honneur cette composition enthousiasmante.
Liszt ! Le maître de la rhapsodie. Les 19 rhapsodies hongroises forment le modèle du genre. Des introductions lentes, des développements virtuoses, des fins en apothéose, bref ça claque dans tous les sens, c'est un feu d'artifice quasiment ininterrompu (*), hormis par la 5ème (une marche funèbre !). (*) Rappelons aussi que le fameux cartoon où Bugs Bunny se chamaille avec une souris sur un piano - on trouve la même histoire avec Tom & Jerry - utilise la seconde rhapsodie hongroise de Liszt. Ce fut mon premier contact avec la musique hongroise. Mais sait-on que l'infatigable Liszt a aussi composé une rhapsodie roumaine ? Moins célèbre que ses sœurs hongroises (voire espagnole, également bien servie au disque), la rhapsodie roumaine de Liszt reste une rareté qu'il faut dénicher au fin fond des intégrales. N'ayant pas encore eu cette occasion - ou le budget pour passer à l'acte d'achat - je regrette de devoir m'abstenir de tout commentaire musical à son sujet. (*) (*) Je suis, en revanche, preneur de toute information éclairée sur le sujet. Les cadeaux sont acceptés :) |
Le Moldave Eduard Caudella ne restera-t-il à jamais "que" le professeur de violon qui eut la fortune d'être le premier maître d'Enesco ? Espérons qu'un jour ses compositions sortent de l'oubli car le peu que j'en connais, quoique dénué de génie, me paraît du plus honorable. Ses Souvenirs des Carpates (Amintiri din Carpati), pour orchestre symphonique, sonnent comme un écho du pays aux rhapsodies du jeune Enesco, exilé dans le lointain Paris. Cette œuvre robuste montre que Caudella était plus qu'un estimable violoniste de province. On appréciera la délicate doïna médiane et les éblouissantes danses finales, qui nous feront regretter définitivement que l'écriture de Caudella soit restée dans l'ensemble un peu trop... sage.
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Roumain installé à Paris, auteurs de deux
rhapsodies, il s'agit bien entendu de... Stan Golestan (1875 -
1956). Si cette musique a connu un certain succès à
l'époque, elle est très rarement entendue de nos jours.
Il faut bien admettre que l'écriture de la première
rapsodie roumaine (1920) est loin d'avoir les mêmes atouts
celle d'Enescu. L'originalité de cette courte pièce
(moins de 8 minutes) est de faire appel à une voix d'homme pour
une mélodie sans paroles. |
Non, ce n'est pas une faute de frappe : il s'agit bien ici du chef Elenescu, Emanuel de son petit nom. Aussi compositeur à ses heures, le doyen de la vie musicale roumaine a cru bon d'ajouter son nom aux rhapsodistes de son pays. Malgré ma bonne volonté, je trouve cette rhapsodie roumaine avec violon soliste bien trop sage pour faire un tant soit peu d'ombre à ses illustres devancières. |
Que vient faire György Cziffra, le célèbre pianiste, dans cette énumération ? Celui qu'on a soupçonné d'être la réincarnation de Liszt n'a quand même pas lui aussi composé une rhapsodie roumaine ? Non, bien entendu. Quoique... cet improvisateur hors du commun ait laissé (et enregistré) une Fantaisie Roumaine sur des airs tziganes (en hongrois : Román cigánfantazia) qui rappelle, à plus d'un titre, l'œuvre des grands rhapsodistes. Improvisant librement sur des réminiscences de Liszt, du premier Enesco, de danses populaires avec imitation du tzambal (cembalum), le grand Cziffra - qui se rappelle ici de ses origines tziganes - nous offre une carte postale virtuose et colorée. |
Faut-il ajouter György Ligeti à cette page consacré aux compositeurs de rhapsodies roumaines ? Après une réflexion approfondie de plusieurs minutes, j'ai répondu : oui, et j'ai aussitôt ajouté : sans aucun doute. Ceci pour une raison toute simple : les amateurs de ce style particulier de musique, faisant entrer la musique populaire dans une forme savante sans toutefois la dénaturer, doivent connaître le Concert Românesc. Ce Concerto roumain pour orchestre symphonique (1951) n'appartient pas encore à la période "révolutionnaire" de Ligeti et ne doit donc pas rebuter ceux qui se méfient la musique contemporaine. Au contraire, Ligeti, qui a étudié après-guerre à l'Institut du folklore de Bucarest, compose ici une passionnante suite musicale où il mêle les thèmes folkloriques originaux aux inventions de son cru. Le résultat (sur une quinzaine de minutes) est une véritable réussite, évoquant aussi bien Bartók qu'Enesco.
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Ah ! Casella. L'ami d'Enescu a voulu se mesurer
à son cher confrère en commettant Italia,
hénaurme rhapsodie transalpine. Précisons tout de suite
que ce genre de pièce montée symphonique me ravit au plus
haut point. Bien entendu je n'en fais pas mon pain quotidien - les
voisins ne supporteraient pas et, de toute façon, l'indigestion
guette. (*) Frénésie qui n'est pas sans rappeler celle de la tarantelle de Rossini arrangée par Respighi dans la Boutique Fantasque. Pour mémoire, cette tarentelle accompagnait Louis de Funès dans la fameuse scène du garage du film Le Corniaud. Casella ne fait pas dans la dentelle pour conclure sa
rhapsodie : une fugue héroïque enchaîne sur une
déferlante d'effets sonores, véritable surenchère
dans l'épique monumental - ce qui doit bien fournir son petit
effet sur le public, ou ce qu'il en reste. Pancho Vladigerov est, comme son prénom ne l'indique pas, un éminent compositeur bulgare du XXème siècle. Sa rhapsodie Vardar, de 1928, est l'exact pendant de celles d'Enescu pour la Bulgarie. C'est du moins ce que j'en ai compris, n'ayant pas eu l'occasion d'écouter cette œuvre, d'un compositeur dont le catalogue demeure pour moi aussi mystérieux qu'alléchant. |
En marge de la musique savante, il est fréquent que des musiciens folkloriques présentent leur propre vision arrangée de la musique populaire roumaine. Ces "improvisations" ne sont pas du folklore authentique, loin s'en faut, et s'adressent au grand public. Les mélomanes intransigeants sur le respect des partitions originales passeront leur chemin. Les autres prendront certainement quelque intérêt à l'écoute de ces pots-pourris endiablés, autant de rhapsodies miniatures inspirées des grands maîtres et mettant en valeur les sonorités si particulières des instruments du terroir. Il est toutefois acquis que ces visions folklorisantes sonnent bien mieux en compagnie de quelques verres de tzuica ! (eau-de-vie de prune). On pourra ainsi écouter la suite instrumentale (Suita instrumentala) où l'orchestre populaire de Paraschiv Oprea fait la part belle aux instruments typiques comme le taragot (hybride entre hautbois et clarinette), la cobza (luth oriental), le cimpoi (cornemuse), le caval (grande flûte), l'indispensable tzimbal (cymbalum) et bien entendu le naï (flûte de pan). Le naï que l'on retrouve entre les mains de Radu Simion qui termine son album d'arrangements classiques par une Suite Transylvaine (Suita Transilvana) aux rythmes effrénés. |
Rhapsodies d'Enescu : rechercher les interprètes roumains (Enescu lui-même, Georgescu, Silvestri) qui ont formidablement servi cette musique. Tout cela se trouve chez Tahra, Lys (hélas supprimé, il faut fouiner dans les bacs de soldes), et Supraphon pour Silvestri, qui reste un excellent choix. Porumbescu, Elenescu, Caudella : une seule interprétation à ma connaissance, chez le label roumain Electrecord. J'ignore si ces CD sont distribués chez nous. Les voyageurs peuvent profiter d'un passage à Bucarest pour compléter leur collection. Me contacter pour les références ou autres détails. Casella : la seule fois où j'ai trouvé la rhapsodie Italia, c'est chez une marque aujourd'hui disparue et de réputation exécrable chez le mélomane courant, à savoir Pilz. Et pourtant, Silvio Frontalini tire le maximum de l'Orchestre National de Moldavie et je n'ai jamais regretté mon achat. Maintenant, à savoir si Italia est disponible par ailleurs, mystère. Golestan : sa première rapsodie se trouve sur un CD intitulé "Piero Coppola dirige la musique française (!!) du XXème siècle". Comme ce disque est édité chez Lys et que Lys a sombré, il ne reste qu'à chiner dans les boutiques d'occasions... Et la seconde rapsodie ? Eh bien, moi aussi je la recherche ! Cziffra : sa fantaisie roumaine (sur des airs tziganes, ou Rumanian Gypsy Fantasia, ou encore Román cigánfantazia) est disponible chez Hungaroton Classics ou dans le coffret des Introuvables d'EMI consacré au pianiste hongrois. Ligeti : si son Concert Românesc n'a rien d'inaccessible au mélomane courant, le reste du CD "Ligeti Project II" (chez Teldec) propose des œuvres certainement moins faciles d'accès à ceux qui ne sont pas familiers avec le compositeur hongrois. Raison de plus pour ce précipiter sur ce disque essentiel qui permettra de découvrir des chefs d'œuvres comme Lontano ou Atmosphères (le fa # dont parle la notice de ce CD se trouve à 3'40", piste 9) Liszt, Vladigerov : aucune idée concrète de l'endroit où l'on peut trouver leurs rhapsodies respectives, la roumaine et la bulgare. Toute contribution sera donc accueillie avec les esbaudissements qu'elle ne manquera pas de susciter. Arrangements par des ensembles folkloriques : les enregistrements de Paraschiv Oprea se retrouvent dans de multiples compilations. J'ai trouvé sa suite instrumentale sur un CD sobrement intitulé Greetings from Romania (Intercont Music). Radu Simon est édité chez Electrecord, sur un CD d'arrangements classiques (Classical Panpipe), dont l'intérêt n'est pas toujours évident. |
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