Théâtre Na Veveri

Depuis plusieurs dizaines d'années, un nombre grandissant d'artistes, d'interprètes, d'enseignants moraves rejoints de plus en plus fréquemment par d'autres couches sociales de Brno, entrevoyait la création d'un théâtre spécifiquement consacré à leur culture. La création à Prague du théâtre National en 1881 finit par décider les plus timides. Une association pour la construction d'un théâtre tchèque dans la capitale morave fut fondée en 1881. Un assez grand et vieux bâtiment au croisement de la rue Veveri et de la place Zerotinovo fut acheté en 1883 et l'aménagement en fut décidé. Les travaux allèrent si bon train que le 6 décembre de l'année suivante le théâtre tchèque ouvrait ses portes. Il fut appelé "théâtre provisoire" et ce provisoire dura quand même dix ans. Un orchestre permanent fut également créé. L'un de ses tout premiers chefs se nommait Karel Kovarovic. Au début du siècle, il devint Directeur du Théâtre National à Prague et refusa pendant plus de dix ans de monter Jenufa.

Theatre Na Veveri
La façade du théâtre Na Veveri tel qu'elle se présentait dans les années suivant son ouverture

Immédiatement, dans ce nouveau théâtre, des oeuvres furent jouées et des représentations d'opéras et d'opérettes s'y déroulèrent. Leoš Janáček, saisissant cette opportunité, créa, au sein de la Beseda brnenska, un journal d'informations musicales, Hudebni listy dont il assura la rédaction, écrivant consciencieusement, mais avec son regard particulier, des comptes-rendus des manifestations qui s'y tenaient.

Comme je l'ai déjà écrit à propos de Sárka, son premier opéra, la mise en service de ce théâtre ouvrit l'horizon musical de Janáček et déclencha le besoin de composer un opéra. Il se mit à la tâche en 1886. Malheureusement, dans son ardeur, il écrivit sa partition avant de demander une autorisation d'utilisation de son texte à Julius Zeyer, l'auteur de la pièce Sarka. Cette autorisation lui fut refusée, sa partition resta dans ses cartons pendant une trentaine d'années.

Par contre, suite à sa rencontre avec Gabriella Preissova, jeune dramaturge et écrivaine, il lui emprunta un de ses récits qu'il adapta pour rédiger son second opéra, Pocatek romanu, (Commencement d'une romance). Janáček eut l'insigne honneur de conduire dans ce théâtre tchèque le premier de ses opéras à être joué. Le succès d'estime n'attira pas un public suffisant et l'opéra fut retiré de l'affiche assez vite.

Cet insuccès relatif ne désarma pas la volonté du compositeur. Il se saisit d'une autre pièce de Gabriella Preissova, Jeji Pastorkyna et, pendant presque dix ans, travailla à la composition de son troisième opéra, Jenufa. Le 21 janvier 1904, lors de la création dans ce théâtre que les habitants de Brno avaient pris l'habitude de désigner Narodni Divadlo (Théâtre National), cet opéra et son auteur reçurent un triomphe éclatant.

Entre-temps, il donna dans ce théâtre de la rue Veveri en première audition Otce Nas, son "notre père" morave au cours de l'année 1901.

Aucun autre opéra de Janáček ne fut créé dans ce Théâtre.

A partir de 1918, date de l'Indépendance de la Tchécoslovaquie, à Brno, l'ancien Théâtre allemand, appelé aussi "sur les remparts" devint le Théâtre National tandis qu'on dénomma Stare Divadlo (Vieux Théâtre) tout naturellement le Théâtre de la rue Veveri qui disparut en 1952 lors de la démolition du bâtiment.

En 1965, après plusieurs projets avortés, un nouveau bâtiment fut construit auquel on donna naturellement le nom du compositeur morave. Les habitants actuels de Brno parlent tantôt de Narodni Divadlo, tantôt de Théâtre Janáček pour désigner ce nouvel opéra qui peut accueillir près de 1 400 spectateurs. L'ancien théâtre allemand, également ancien théâtre national perdit ses adjectifs successifs pour se nommer présentement Théâtre Mahen, du nom du dramaturge morave (1882 - 1939).

Joseph Colomb - mai 2004

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