La perception française de la musique de Janáček à travers les écrits (1)

La diffusion de la musique de Janáček en France
à travers les écrits par les disques par les concerts


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Etudier la perception et la qualité de la réception de l'entité Janáček (l'homme, sa personnalité, la place qu'il tient dans la musique tchèque, ses œuvres…) nécessite de passer en revue un certain nombre d'écrits sur la musique tchèque. Il ne s'agit en aucun cas d'une étude exhaustive, mais de coups de sonde dans certains médias, dictionnaires, encyclopédies, livres spécialisés, revues depuis le début du siècle jusqu'à nos jours. Commençons donc par quelques dictionnaires

1) Dictionnaires

A) Petit Larousse illustré


Quel dictionnaire encyclopédique simple est-il plus répandu dans nos foyers sinon le Petit Larousse, objet de récompense des traditionnelles distributions de prix d'antan ? Quel est l'objet symbole du savoir premier que l'on consultait dans beaucoup de familles avant que des encyclopédies plus élaborées soient diffusées et bien avant qu'internet ouvre les portes de la bibliothèque mondiale ? Le Petit Larousse ! Lorsque l'on s'en contente en tout et pour toute recherche documentaire, quelle connaissance de Janáček en particulier et de la musique tchèque en général peut-on acquérir ? Les informations obtenues seront-elles suffisamment alléchantes et précises pour aiguiser la curiosité du lecteur et le pousser à écouter ce type de musique ?

Je me propose d'analyser l'évolution de la popularité de chacun des acteurs retenus de la musique tchèque à quatre époques différentes, dans les années 50, dans les années 70, dans les années 90 et aujourd'hui.


L'année 1956 sera le point de départ. Le Petit Larousse illustré de cette année-là apparaît bien terne à nos yeux de début du XXIè siècle, tout en noir, illustrations liliputiennes essentiellement matérialisées par des dessins au trait. L'ouvrage présenté en deux parties, langue et noms propres, déroule ses articles sans développement. Le savoir minimum. Une recherche attentive ne trouve aucune trace de compositeurs tchèques, en dehors d'un seul article lapidaire qui mentionne Smetana. Mais le dictionnaire ignore également l'existence de Belá Bartok. Enfin, la ville de Brno où Janáček a passé l'essentiel de sa vie, a droit à une petite mention.
Smetana (Frédéric), compositeur et pianiste tchèque, né à Litomysl (1824-1884)
Brno, en allemand Brunn, ville de Tchécoslovaquie, capitale de la Moravie. 283 900 h. Métallurgie. Université.
Moralité, en 1956, si un lecteur français souhaitait des informations sur la musique tchèque, mieux valait ne pas consulter le Petit Larousse. Il fallait essayer d'autres sources…

J'ai cherché si, dans l'édition de 1973, les principaux représentants de la musique tchèque (Smetana, Dvořák, Janáček, Martinů) auxquels j'ai ajouté deux anciens Dusík et Reicha, avaient droit de cité dans ce dictionnaire éminemment populaire. Heureuse surprise, tous les absents de l'édition 1956 - sauf Martinů - apparaissent, signe de leur reconnaissance. Dvořák se voyait même gratifié d'une photographie (!) qui disparut dans les éditions ultérieures. L'orthographe tchèque est par contre toujours ignorée cinquante ans après la naissance de la république tchécoslovaque. Le Petit Larousse s'obstine à désigner le compositeur Dusik sous son nom germanisé Dussek, de même que le prénom tchèque de Rejcha, Antonín s'efface devant sa traduction allemande, Anton.

En 1992, les articles des années précédentes sont repris à quelques mots près, mais nouveauté, le dictionnaire intègre Martinů. On peut se poser la question de savoir pourquoi dans l'article Janáček le rédacteur a cru bon d'inclure la précision "près de Sklenov" à propos de son lieu de naissance. Indiquons que Sklenov, entité administrative au 19e siècle, n'est plus maintenant qu'un hameau de la commune de Hukvaldy et ce depuis de très nombreuses années. Cette information risque très fortement d'induire en erreur le lecteur qui cherchera en vain ce lieu sur une carte de la république tchèque.  

Douze ans plus tard, en 2004, le Petit Larousse illustré reprend les mêmes articles auxquels il ajoute le titre d'un second opéra de Janáček, ainsi que quelques autres renseignements aussi vagues que généraux pour les autres compositeurs. Dusík par contre disparaît. Il est quand même dommage que l'œuvre la plus célèbre de Smetana continue d'apparaître sous son nom germanique la Moldau, certes plus couramment employé, et non sous sa véritable dénomination tchèque, la Vltava.

La consultation du Petit Larousse illustré à quelque époque que ce soit ne peut présenter d'intérêt pour une personne curieuse de musique et à plus forte raison pour un mélomane. Sans doute n'a-t-il pas été créé pour satisfaire des besoins exigeants ?

1956 1973
1992 2004
compositeurs nb de
lignes
photo information nb de lignes photo information
Leoš  Janáček 0 5 non compositeur tchèque (Hukvaldy,  1854 - Moravska Ostrava 1928) Il s'est inspiré surtout du folklore et a laissé des opéras (Jenufa) et une Messe glagolitique. 5 non compositeur tchèque (Hukvaldy, près de Sklenov, 1854 - Moravska Ostrava 1928) Il s'est inspiré surtout du folklore et a laissé des opéras (Jenufa) et une Messe glagolitique. Hukvaldy, près de Sklenov, 1854 - Moravska Ostrava 1928. Inspiré par le folklore il a laissé des opéras (Jenufa 1916, la Petite renarde rusée, 1924) une messe glagolitique, des œuvres pour orchestre et de la musique de chambre.
Bedrich Smetana Smetana (Frédéric), compositeur et pianiste tchèque, né à Litomysl (1824-1884) 6 non id 1956 5 non compositeur et pianiste tchèque (Litomysl 1824 - Prague 1884) auteur de l'opéra La fiancée vendue (1866) et de poèmes symphoniques (Ma Patrie contenant La Moldau, 1874 - 1879), principal représentant de la musique romantique de Bohême. Litomysl 1824 - Prague 1884, compositeur et pianiste tchèque. Principal représentant de la musique romantique de Bohême, il a écrit l'opéra "La fiancée vendue" et des poèmes symphoniques (le recueil Ma Patrie comprend La Moldau).
Antonín Dvořák 0 6 oui compositeur tchèque (Nelahozeves, Bohême 1841 - Prague 1904), directeur des conservatoires de New-York, puis de Prague. Son style manifeste un lyrisme fougueux. (Symphonie du Nouveau Monde) 5 non compositeur tchèque (Nelahozeves, Bohême 1841 - Prague 1904), directeur des conservatoires de New-York, puis de Prague (Symphonie du Nouveau Monde, Concerto pour violoncelle). Nelahovezes, Bohême 1841 - Prague 2004. Compositeur tchèque, il dirigea les conservatoires de New-York puis de Prague et composa notamment 9 symphonies (la Symphonie du Nouveau Monde 1893) des concertos, des poèmes symphoniques et des quatuors
Dussek Johann Ladislas ou Dusík Jan Ladislav 0 3 non pianiste et compositeur originaire de Bohême (Čáslas 1760 - 1812) 4 non pianiste et compositeur originaire de Bohême (Čáslas 1760 - Saint Germain en Laye 1812), auteur de sonates et de concertos. pas d'article
Reicha Anton ou
Rejcha Antonín
0 4 non compositeur et théoricien tchèque, naturalisé français (Prague 1770 - Paris 1836), maître de Gounod, C. Franck, Berlioz, Liszt. 4 non id 1973
id 1992
Bohuslav Martinů 0 0 4 non compositeur tchèque (Policka, Bohême, 1890 - Liestal, Bâle 1959) auteur d'opéras, ballets, symphonies et concertos nourris de folklore morave. id 1992
Belá Bartok 7 oui
Ludwig van Beethoven 12 oui

B) Le Robert 2


Un cran au-dessus par l'ampleur et la précision tout de même par rapport au Petit Larousse que nous venons de quitter : le Robert 2. Examinons l'importance accordée à chaque compositeur tchèque dans l'édition de 1988.
 
noms nb de lignes photo
Dvořák 14 non
Smetana 23 non
Janáček 14 non
Rejcha 10 non
Martinů 18 non
Brno (1) 20 oui

(1) pas de mention de Janáček dans l'article Brno

Voici le contenu de la notice rédigée par Pierre Decazaux, chargé des articles couvrant le large champ du théâtre, de la danse, de la poésie française moderne et de la musique.

"Compositeur tchèque (Hukvaldy, Moravie 1854 - Ostrava 1928). D’abord instituteur à Brno, il étudia ensuite la composition musicale à Prague, Leipzig et Vienne. A son retour en Moravie, il fonda une école d’organistes et devint directeur du conservatoire de Brno. Longtemps méconnu, il acquit d’un coup la célébrité pour son opéra Jenufa (Prague 1916) dont l’originalité d’écriture, fondée sur l’étude du langage parlé, comporte une grande liberté harmonique et rythmique ainsi que de fréquents emprunts au folklore morave. Dans la même veine rigoureuse et colorée, il a composé plusieurs opéras (Le rusé petit renard 1923, De la maison des morts d’après Dostoïevsky 1928), des œuvres chorales (Messe glagolitique 1926), des poèmes symphoniques (Tarass Boulba 1918) et de la musique de chambre. Avec F. Bartos il a publié un important recueil de chants populaires moraves."

Ces quelques lignes caractérisent sobrement et assez justement le compositeur morave, même s'il manque quelques éléments essentiels de sa musique et même si l'auteur décerne à Janáček une fonction qu'il n'a jamais occupée au conservatoire de Brno. Etonnant de constater que la petite renarde a perdu sa féminité en se retrouvant de sexe mâle !

C) Conclusion


Pour l'honnête homme (ou femme !), un peu intéressé par la musique, la consultation d'un dictionnaire, élémentaire comme le Petit Larousse illustré ou plus élaboré comme Le Petit Robert 2 n'apporte à la musique tchèque et à Janáček en particulier que peu d'éléments informatifs. Le nom du compositeur morave - de même que la plupart de ses compatriotes devenus célèbres - n'apparaît que dans les années 70. La conception de ces volumes ne les autorise pas à des développements. Il est donc nécessaire que le lecteur effectue d'autres recherches, dans les bibliothèques et sur Internet.


Passons, dans l'article suivant, à des ouvrages plus spécialisés et procédons par coups de sonde à différentes périodes.

Joseph Colomb - janvier 2006 (révision juin 2006)